Que puis-je faire pour vous ?


Homélie 29é dimanche du T.O. B : Le service et le sens du service.

« Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir. »

Frères et Sœurs,
Voilà une phrase de l’Evangile que nous n’avons pas besoin de méditer ou d’étudier des heures pour la comprendre. A la volonté de puissance, d’honneur de Jacques et Jean, ses disciples, « siéger l’un à la droite, l’autre à la gauche du Seigneur », Jésus répond clairement qu’il n’en est pas ainsi dans le Royaume de Dieu. Le plus grand est d’abord le plus petit. Un auteur contemporain, dans un très beau livre, a appelé Saint François d’Assise : « Le Très-Bas ». Magnifique expression qui dit bien aussi ce que le pauvre d’Assise a tenu à imiter de manière radicale dans sa vie : la simplicité, l’extrême simplicité du Christ. Saint Ignace de Loyola quant à lui, dans un résumé prodigieux qui manifeste la sainteté du personnage, donnait une mission à ses frères Jésuites : « en tout aimer et servir. ». Et comment en pas citer une des seules phrases que l’histoire à retenu de Sainte Jeanne Jugan faute d’écrit de sa part : « soyez petites, mes sœurs, toutes petites. ». Et c’est pourquoi on parle des « Petites Sœurs des Pauvres » et non pas seulement des Sœurs de Pauvres. Une belle hymne du bréviaire dit aussi : « l’humble serviteur a la plus belle place : servir Dieu rends l’homme libre comme Lui.». On pourrait sans doute multiplier les exemples et les citations à l’infini tant ce thème du service est consubstantiel à la Bonne Nouvelle annoncée par le Christ. L’image la plus représentative est celle du lavement des pieds. Je me souviendrai toujours de ce jeudi saint où mon supérieur de Séminaire s’est mis à genoux devant moi pour me laver les pieds alors qu’à l’époque il m’était si difficile de me mettre à genoux en entrant dans la chapelle. Ou ce grand rassemblement de séminaristes à Lourdes où les évêques présents ont lavé les pieds aux participants. Le signe est simple, fort et expressif. Mais il ne doit pas rester, nous le savons bien, seulement un geste liturgique. Il doit être la révélation d’une vraie humilité et d’une attention constamment renouvelée pour le petit, l’indigent, le désarmé. Et comme c’est difficile dans notre monde qui fonctionne tellement au mérite, à la course à la réussite, au « toujours plus » que dénonçait déjà en son temps un journaliste de talent. « Que servira-t-il donc à l'homme de gagner le monde entier, s'il ruine sa propre vie ? » a demandé Jésus. Est-ce à dire que nous devons refuser tout promotion ? La possibilité de vivre un peu mieux si nous le pouvons ? Non, bien sûr. Sinon, il n’y aurait pas de pape à Rome. Mais savez-vous d’ailleurs que depuis Paul VI et le Concile Vatican II, il porte ce beau titre de « serviteur des serviteurs » ? S’il exerce un pouvoir, c’est un pouvoir de service : « le premier sera l’esclave de tous » selon l’expression de notre Evangile. Et ne nous laissons pas berner par les images colportées par les médias sur tel pouvoir caché ou secret du Pape. Lorsque l’on connaît un peu le Vatican, on s’aperçoit que s’il y a des hommes à qui la fonction est peut être montée à la tête, il y a aussi et surtout en grande majorité d’humbles serviteurs de l’Eglise, qui travaillent, peut être dans le décor historique et grandiose d’un palais romain mais avec des moyens sans commune mesure avec l’ampleur de la tache. J’ai eu la chance de visiter Yamoussokro en Côte d’Ivoire. Ville au milieu de nul part, voulue par le président Félix Houphouët Boigny. On a beaucoup glosé sur la construction de la basilique Notre Dame de la Paix, édifice chrétien le plus grand au monde. Mais savez-vous qu’à quelques encablures se situe le palais de la Fondation pour la Paix qui regorge des bois les plus précieux, des tapis des plus grandes manufactures au monde… Devant un tel étalage de luxe à deux pas de la Maison de Dieu, croyez-moi, l’Eglise n’a pas à rougir. Certes, nous avons régulièrement besoin d’un Saint François d’Assise pour nous rappeler à la simplicité. Mais pauvreté ne veut pas dire indigence. A l’école du Christ, apprenons à être bien à notre place. Elle peut être la première ou la dernière… Mais elle se vivra dans l’ordre du service. Soyez bien assurés d’ailleurs que votre curé commence par s’appliquer la leçon à lui-même. D’ailleurs si vous le voyez dériver, n’hésitez pas à lui rappeler le cap ! C’est votre devoir de paroissien car « parmi vous, il ne doit pas en être ainsi » rappelle Jésus.

Mais ne nous arrêtons pas là. Pourquoi le premier sera t-il le dernier ? La Lettre aux Hébreux nous aiguille vers la réponse : « le grand prêtre, écrit-elle et nous devons là reconnaître le Christ, à partager nos faiblesses ; il a connu l’épreuve comme nous ». Isaïe brosse le portrait du serviteur souffrant, « le juste, mon serviteur, a connu la souffrance ». Or si le disciple n’est pas plus grand que le maître, il nous faut donc, nous aussi prendre le chemin du serviteur. Chemin sur lequel nous pouvons trouver la souffrance. Elle n’est pas voulue par Dieu. Elle n’est pas mise là comme une épreuve à réussir comme on passe un examen pendant ses études. Non ! Jésus veut juste prévenir ses disciples : « cette coupe de souffrance, vous y boirez ; si vous voulez faire le chemin jusqu’au bout avec moi. ». Mais Isaïe ajoute : « par ses souffrances, le juste verra la lumière, il sera comblé ». Jésus a épousé notre condition humaine jusque là. « Comme Il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout ». Passant par les ténèbres de la mort, il nous indique cependant le chemin de la Vie, la lumière de la Vie. Se faire le petit des autres n’est pas facile, demande de l’abnégation, du courage. Mais cela apporte tant de joie. Le premier dimanche où j’ai présidé la messe ici, en allant du presbytère à l’église, j’ai salué un SDF et nous avons échangé quelques mots. Ne me prenez pas pour un héros… j’ai toujours du mal à le faire… Mais cet échange tout simple m’a mis le cœur en joie ! Nous savons bien que lorsque l’on donne, on se donne, on reçoit souvent beaucoup plus. J’ai accompagné cet été des guides d’Europe des banlieues chic de Paris qui venaient passer une semaine de service dans les quartiers nord de Marseille. Même si le travail a été dur, quelle joie à leur départ : la joie de s’être dépensées sans attendre d’autres récompenses que celle de savoir qu’elles avaient fait la sainte volonté du Seigneur, comme le dit la prière scoute.
Frères et Soeurs,
« Avançons-donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant » comme nous y invite Isaïe. Jésus le Christ nous a montré le chemin du service, de l’humilité. A celui qui demande, osons poser la question de Jésus aux disciples : « que voudriez-vous que je fasse pour vous ? ».
                                                                      Amen !

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