Tiens bon !

Homélie 13é dim. T.O.

« Suis-moi ». Cet appel de Jésus est répété souvent dans l’Evangile. Ceux qu’il rencontrait, qu’il guérissait, souvent Jésus les invitait à le suivre. « Aussitôt » précisent souvent les évangélistes. Sans plus de retard, « suis-moi ». Mais il arrive aussi que la réponse soit décevante. Comme les 3 hommes de l’évangile de ce jour : je veux bien te suivre Jésus. Mais assure-moi que nous aurons un endroit bien tranquille pour nous reposer aussi. « Le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête » répond Jésus. Je veux bien te suivre dit l’autre mais laisse-moi d’abord enterrer mon Père. « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. ». Je te suivrai dit le troisième mais je veux dire adieu aux gens de ma maison. « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu. ». Le Oui de ces trois hommes est bien un Oui… Mais sous condition. Un Oui mais. Or l’appel du Christ ne peut s’en contenter. La réponse ne peut être qu’entière, inconditionnelle. « Suis-moi mais suis-moi tout entier » semble dire le Christ. Pas une partie de toi. Pas en laissant de côté, bien au chaud, un petit trésor de guerre de relations ou de biens, au cas où. Non, si tu veux me suivre, viens comme tu es ! Avec tout ce que tu es. Et cet appel résonne encore aujourd’hui pour nous. Si nous sommes là, c’est bien que nous voulons être les disciples du Christ. Par notre présence ce matin, nous exprimons déjà notre réponse à son appel. Mais peut être avons-nous encore un effort à faire pour une réponse sans détour, sans compromission, sans condition. Car le Seigneur ne nous nous demande pas seulement une adhésion de façade, pour la galerie. Il ne nous demande pas une partie de notre cœur, de notre âme, de notre esprit. Il veut tout notre cœur, toute notre vie. Les chrétiens du dimanche entre 10h30 et 11h30 sont un contre-témoignage. Nous le savons bien. Le Christ qui nous appelle nous invite à une cohérence de vie. D’où la légitimité de l’intervention dans le débat démocratique des catholiques. Comme le disait Bernadette de Lourdes, il ne s’agit pas pour nous de convaincre mais de dire notre opinion, nos convictions motivées par notre foi, notre adhésion entière au Christ. Adhérer entièrement au Christ ne fait pas nous des esclaves, car comme le rappelle Saint Paul, « si le Christ nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment libres (…) Vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres.” Oui, notre adhésion au Christ nous rend libres, libres pour aimer, libres pour servir.

Il y a dans l’histoire de l’Eglise de très beaux exemples de cette liberté, de cette réponse au Christ qui libère. En pensant à notre Pape, je voudrais vous rappeler St François d’Assise et cette scène quasi-théâtrale où ce fils de bonne famille a épousé Dame Pauvreté en se mettant nu devant l’évêque d’Assise et surtout devant son père, riche marchand de draps.  Il ne s’habillera plus alors que de vieux sacs rapiécés. Ainsi de manière spectaculaire, il répondait au « suis-moi » qu’il avait entendu plus tôt et n’a eu de cesse tout au long de sa vie de vivre et de témoigner de la nécessaire radicalité de la réponse.
Moins historique, nettement plus récent, je ne peux m’empêcher de me souvenir qu’hier, le 29 juin précisément, je fêtais mes 16 ans d’ordination. Le 29 juin 1997, Mgr Jullien ordonnait le P. Franck Téhel, Hervé Huet et moi-même et depuis nous essayons humblement de répondre au « suis-moi » entendu alors. De ces 16 ans, je voudrais retenir d’abord que chaque jour est un jour nouveau, différent. J’ai eu l’impression qu’aucun ne ressemblait au précédent. Et si je célèbre la messe chaque jour, j’ai toujours l’impression de célébrer ma première messe. 16 ans au cours desquels mon « oui » se poli comme on le dit plutôt d’une pierre. Cela peut se faire d’un coup, durement parfois, à l’occasion de tel ou tel événement. Mais aussi par la simple usure des jours. La pierre s’adoucit alors.

De ces 16 ans, je voudrais relever deux sentiments. Si je regarde derrière, le premier est indéniablement celui de l’action de grâce, de mon bonheur de servir l’Eglise et les hommes. A travers les multiples et nombreuses expériences, missions qui m’ont été confiées, quelle joie dans ces rencontres de chrétiens, d’hommes et de femmes à Fougères, Paris, Betton, Rennes ou Saint Malo !

Et si je regarde devant, le sentiment qui m’habite est la confiance. Et pourtant, je pourrai aussi me faire du souci. Vous le savez, l’année prochaine, je serai aussi curé de la Paroisse Saint Vincent de Paul. Et beaucoup d’entre vous me demande : « comment allez-vous faire ? ». Je réponds, dans la confiance, « Je ne sais pas ! ». Mais ensemble, nous allons bien trouver des solutions. Je fais juste remarquer que cette situation existe déjà à St Malo pour les 2 paroisses de ND des Grèves et Sainte Croix. L’avenir ne ressemblera sûrement pas au passé. N’y restons pas englué. C’est bien ce que nous dit Jésus : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu. ». Il nous faut construire le Royaume ici et maintenant en regardant devant. Peut être avec moins de prêtres qu’hier mais surtout avec des chrétiens qui osent répondre sans détour à l’appel du Christ. J’aime bien rappeler ce petit mot que répétait à chacune de nos rencontres Mgr Jullien : il terminait en disant « Tiens bon ! » avec la force de son caractère bien trempé de finistérien qui avait traversé bien des tempêtes dans sa vie. Il y a qq années, j’ai découvert qu’en plus d’être un encouragement de mon évêque, c’était aussi une citation biblique. Saint Paul dit aux jeunes communautés chrétiennes : « tenez bon ! ».

Frères et Sœurs.
Le Suis moi de Jésus est pour nous tous. Allons-nous oser y répondre en toute confiance ?

Je voudrai finir en priant avec vous la prière que nous avions écrite pour la fin de notre ordination. Je ne savais pas à l’époque que ma barque atterrirait à St Malo. Mais vous allez voir qu’inconsciemment je m’y préparais.



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