Une Sainte Famille très large...

Homélie Dimanche Sainte Famille 2013

Un film sorti il y a quelques années m’avait particulièrement marqué. Non pas tant par son intrigue policière assez violente mais surtout parce qu’à travers elle, perçait de profondes interrogations sur les rapports entre un père et son fils. Et notamment par une première scène étonnante où celui-ci évoque avec un ami, la nécessité pour lui, devant la déchéance physique et morale de son père, de devenir le « père de son père »… et la difficulté que cela représente. Cette scène fait écho aux paroles de Ben Sirac le Sage dans la première lecture de ce jour : « Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, ne le chagrine pas pendant sa vie. Même si son esprit l'abandonne, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es en pleine force. Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée. »

Ce dimanche, à quelques jours de Noël, nous fêtons la Sainte Famille avec la belle image de la crèche : Marie et Joseph veillant sur l’enfant Jésus nouveau-né. Si je prêchais en me focalisant uniquement sur ce modèle de famille, certes en tout point admirable, je crois que je serai un peu à côté de la plaque en refusant de voir ce qu’est vraiment une famille ; ce qu’elle fut à l’époque de Jésus et ce qu’elle essaye d’être aujourd’hui à travers des transformations et des évolutions hasardeuses et parfois regrettables mais pourtant bien réelles mais qui sont d’ailleurs le quotidien de beaucoup d’entre nous. Parler de la famille est aujourd’hui délicat et nous oblige sûrement à ne pas nous satisfaire des clichés ou des images d’Epinal aussi rassurantes soit-elles. Je pense à ces photos de famille du XIXé siècle où tout semblait parfait : les costumes bien repassés, la composition de l’image autour d’un père de famille chef de tribu, une épouse au sourire bienveillant et des enfants sages comme des images. Mais sous ces apparences flatteuses, que de drames cachés parfois, que de silences destructeurs.

Même à l’époque de Jésus ; celui-ci n’hésite pas à l’occasion à remettre en cause les liens familiaux. Pensons à la réplique cinglante des noces de Cana à sa mère : « Femme, que me veux-tu ? ». Et à cet autre passage de l’Evangile ou alors qu’on vient lui annoncer la présence de sa famille, il répond : « Qui sont mes frères ? Qui est ma mère ? ». Et désignant ses disciples : « Voici ma mère et mes frères : quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère. » Jésus ne vient pas bousculer les repères familiaux. Mais il vient rappeler que la famille de ceux qui font la volonté de son Père, de ceux qui le suivent et écoutent sa Parole, cette famille a une étonnante force et une réalité indéniable. C’est ainsi que nous sommes bien réellement frères et sœurs en Christ. Il est bon de le rappeler afin que dans notre communauté, comme dans toute communauté chrétienne, ce ne soit pas simplement des mots mais une réalité concrète et visible. Ainsi célébrer aujourd’hui la Sainte Famille, c’est d’abord nous en reconnaître comme les membres vivants. Nous faisons partie de cette famille inaugurée à Bethléem dans une étable. Saint Paul dans sa lettre aux Colossiens développe quantités de conseils pour notre vie de famille : « puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes ses fidèles et ses bien-aimés, revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. » Entre frères et sœurs dans le Christ, c’est le cœur qui doit nous mener et diriger nos relations, un cœur habillé de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Je vous avoue que c’est difficile à vivre pour moi tous les jours, comme pour vous sans doute. D’où l’utilité de réentendre cette invitation pressante. La clé de tout cela : c’est l’amour, qui « fait l’unité dans la perfection. » Car c’est bien à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que nous serons reconnu comme les disciples du Christ, les enfants d’un même Père.

En disant cela, comment ne pas être aussi dans l’action de grâce, comme le demande encore Saint Paul ? Car si mes paroles ce matin veulent nous encourager à vivre une vraie fraternité, elles ne peuvent manquer d’être admiratives devant ce qui se fait déjà. Je suis réellement émerveillé devant les attentions fraternelles dont je suis le témoin chaque jour. Telle personne qui prends des nouvelles d’une voisine malade, telle autre qui visite très régulièrement une personne ne pouvant plus se déplacer. Et comment ne pas rendre grâce aussi pour l’attention portée à votre curé ? Notamment en cette période de Noël… Ou avec le Panier du Curé, toujours préparé avec un soin délicat pour qu’il ne manque rien à nos repas du week-end. Sachez que le curé que je suis est touché par tant de délicatesse fraternelle qui s’exprime ainsi de multiples manières. L’Eglise est ainsi une grande et vraie famille. C’est tellement important pour le témoignage dans ce monde, dans notre monde. A la sortie de la messe, vous avez remarqué que j’aime ouvrir les grandes portes de l’église, j’aime que les discussions qui prennent un peu de temps sur le parvis : quel témoignage simple et beau pour ceux qui passent. La voilà l’image bien réelle de la Sainte Famille de Dieu, joyeuse d’avoir rencontrée son Seigneur et de se retrouver. Et dans cette famille-là : tous sont invités. Je pense ici à un ami qui m’a envoyé ces vœux en me donnant quelques nouvelles. Notamment celle très triste du décès de sa maman. La famille prend alors un autre visage. Se sent-il pour autant exclu de l’amour de Dieu : il m’écrit : « le Prince de la Paix a vécu, vit et vivra toujours parmi nous ! ». Le cœur de Dieu le Père est assez grand pour accueillir tous ses enfants… et particulièrement ceux qui peuvent sembler le plus loin de lui. En accueillant Jésus, Marie et Joseph ouvrent leur famille aux dimensions du monde. Cela n’empêche pas, chacun d’entre nous, de vivre dès maintenant cette fraternité universelle, comme aimait à l’écrire Charles de Foucauld, dans notre propre famille humaine. En écoutant les conseils de Saint Paul encore. Remarquons qu’il y en a pour tout le monde : les femmes bien sûr, mais aussi les hommes, les enfants, les parents. Et si on insiste beaucoup souvent sur la première phrase, permettez-moi de relever aussi la dernière : « Et vous les parents, n'exaspérez pas vos enfants ; vous risqueriez de les décourager. » Elle peut faire sourire, mais elle est d’une grande vérité. Je l’aime beaucoup. C’est sans doute mon cœur d’éducateur qui parle ici.

Frères et Sœurs,
Ce qu’il nous faut encore apprendre, c’est apprendre à aimer ! Dés maintenant, dès ici-bas, dans nos familles et au delà. Dieu est à l’image de Joseph, ce Père attentionné qui prends soin de chacun de nous. Nous soyons donc pas des enfants ingrats : « Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants, au jour de sa prière il sera exaucé. Celui qui glorifie son père verra de longs jours, celui qui obéit au Seigneur donne du réconfort à sa mère (…) Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée, et elle relèvera ta maison si elle est ruinée par le péché. »

Que la Sainte Famille nous apprenne à aimer afin que le monde croie.


Amen !

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