Tu m'as séduit, Seigneur.
Homélie 22é dimanche du Temps Ordinaire
Qui veut en baver ?
Chers frères et sœurs, les textes de ce jour peuvent avoir un
aspect peu engageant. Le prophète Jérémie se plaint de sa condition. Oui il
annonce bien la parole de Dieu mais il doit « crier » et elle « attire sur lui l’injure et la
moquerie. Tout le monde se moque de moi. » Voulez-vous être
prophète ?
Saint Paul n’est pas moins exigeant qui invite «à offrir à Dieu votre personne et votre vie
en sacrifice saint. » Rien de moins. Etes-vous prêt à tout donner à
Dieu ?
Enfin Jésus dans l’Evangile ne dit rien qui rassure à ses
disciples.
Si quelqu’un veut
marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il
me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à
cause de moi la gardera. Qui veut marcher derrière lui ? Même Saint
Pierre, dont on sait l’immense mission confiée par le Christ, veut éviter la
souffrance annoncée à son Maître. Jésus alors le traite de Satan, d’obstacle
sur sa route.
Alors suivre le Christ : n’est-ce pas une impasse ?
Ou un chemin tellement rude que seuls les saints peuvent l’emprunter ? Une
petite élite de costauds prêts à tout, à tout donner, à souffrir pour Lui, à
porter sa croix chaque jour.
Bien sûr, nous savons que cela n’est pas vrai. Depuis 2000
ans, ceux qui ont pris le chemin de la foi ne sont pas des supers héros. A
commencer par les apôtres que la Croix a fait frémir de peur, qui ont bien
failli tout larguer. A commencer par Pierre, le roc capable de renier trois
fois Jésus ! Et nous aujourd’hui, nous le savons bien, nous ne sommes pas
des héros. « Je ne suis pas un héros » chantait en son temps
Balavoine. Pas un héros. Mais des femmes et des hommes conscients de leurs
limites, de leurs fatigues, de leurs faiblesses. Et pourtant disciples de ce
Jésus le Christ. Pas d’erreur. Nous savons pourquoi nous sommes là
aujourd’hui !
Alors qu’est ce qui nous attire ? Sommes-nous
maso ? Non. Mais nous avons fait l’expérience de Dieu. Un jour dans notre
vie… Et peut être plusieurs fois, nous avons fait cette rencontre qui retourne,
qui bouleverse, qui entraine. Laissons
le grand Saint Augustin, que nous avons fété cette semaine, nous dire ce que
cette rencontre du Christ, de l’amour vivant, a provoqué en lui, l’homme a la
jeunesse dissipée.
« Bien tard, je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si
nouvelle,
Bien tard, je t'ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors,
et c'est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces
choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix. »
Oui, comme le dit le prophète Jérémie aussi, « tu as
voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ». Et même s’il est moqué
de tous, même si pour dire la Parole de Dieu, il doit se faire violence.
« Mais il y avait en moi comme un
feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans
y réussir. »
Cette séduction de Dieu n’est pas humaine. Elle ne nous
montre pas que le bon côté des choses. Elle nous met dans la vérité. Suivre le
Christ n’est pas de tout repos. Ce n’est pas une assurance tout risque qui fait
vivre en ce monde avec des air-bags de tout côté ! Voilà pourquoi nous
pouvons nous laisser séduire par le Christ. Voilà pourquoi nous pouvons sans
crainte lui offrir notre vie, faire la volonté de Dieu.
Bien sûr, il ne faut
pas prendre pour modèle le monde présent. Tellement tenté par les
séductions d’une vie de magazine de mode ! Il faut accepter d’être moqués
nous aussi. Mais nous avons une autre force. Une force intérieure qui nous
pousse au-delà. C’est sûrement cette force qui anime aujourd’hui les chrétiens
d’Irak. Ils savent que s’ils donnent leur vie pour le Christ, elle ne sera pas
perdue.
Frères et Sœurs,
L’invitation qui nous est faite ce dimanche est une
invitation au courage d’abord. Mais pour être armé de ce courage de la Foi, il
faut sans cesse accepter de nous laisser séduire par le Christ. Oser la
rencontre quotidienne avec Lui dans la prière, l’écoute de la Parole, la
pratique des sacrements. Quand on aime quelqu’un, on aime aussi le rencontrer,
parler avec Lui, faire des choses ensemble. Armés de l’amour de Dieu, nous
aurons toutes les audaces. Comme celle de s’engager dans cette année pastorale
nouvelle sans crainte, avec espérance.
Amen !