Le ciel sur la terre !


Homélie Ascension 2013

Frères et Sœurs,

Lorsque j’étais petit enfant, nous regardions « Bonne nuit les petits » avec Nounours, notre aimable visiteur du soir. Et cela se terminait à chaque fois par cette scène terrible que nous redoutions tous où Nounours repartait sur son petit nuage. Nous aurions tellement aimé que cela dure encore !

Pardonnez-moi ce parallèle un peu trivial et enfantin, à chacun ses références, mais le sentiment des Apôtres à l’Ascension a du un peu être le même dans un premier temps. Déjà marqués par la rupture dramatique de la Passion, comme ils auraient aimé que Jésus resta encore près d’eux, remplissant les filets vides ou préparant pour eux un repas au bord du lac. Mais « il fallait que s’accomplisse ce qui était annoncé dans l’écriture ». Saint Luc décrit : « il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. » Ce qui aurait pu être une nouvelle et dernière séparation se vit tout à fait autrement. « ils retournèrent à Jérusalem remplie de joie. Ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu ». Réaction fort étonnante et complétement opposée à celle de la mort de Jésus. Rappelez vous le désarroi des disciples d’Emmaüs par exemple. Comment expliquer cela ? Et comment nous mêmes ne pas être comme des victimes collatérales vingt siècles plus tard de ce départ au ciel ? « Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes (…) disaient : « Galiléens, pourquoi restez-vous à regarder vers le ciel ? ».  Ces deux mêmes hommes , sans doute, qui avaient avertis les femmes au matin de la Résurrection : « vous cherchez Jésus le Crucifié ? Il n’est pas ici. Il est Ressuscité ! ».

La première attitude spirituelle à laquelle nous invite cette fête de l’Ascension, qui vous l’avez bien compris est intiment liée à celle de la Résurrection et de la Pentecôte qui va suivre, est de ne pas chercher le Christ là où il n’est pas ! C’est à dire dans un ciel imaginaire, un petit nuage au dessus de nous, qui l’éloigne et le protège de toutes nos difficultés terrestres. Si le Fils de Dieu est venu sur terre, s’il s’est manifesté aux hommes, s’il s’est incarné en un temps et en un lieu, c’est bien pour rester présent parmi nous, aujourd’hui et jusqu’à la fin du monde. Jusqu’à son retour annoncé et attendu. De tout temps, l’Eglise a été attentive à nous dissuader des tentations de spiritualisme. C’est à dire de vouloir par trop distinguer le monde de Dieu et le nôtre, le Ciel, où tout serait bien et bon (après Nounours, nous serions au pays des Bisounours !) et la terre, cette vallée de larmes. Or le génie du Christianisme est justement d’avoir en Jésus Christ relié intimement les deux. Ainsi au début de la veillée pascale, dans l’annonce de l’Exultet, nous avons chanté, non sans émotion, ce verset sublime : « Ô nuit bienheureuse, où se rejoignent le ciel et la terre, où s’unissent l’homme et Dieu. » . Pour trouver Dieu, il ne s ‘agit donc pas seulement de lever les yeux au ciel. Mais de les ouvrir sur les réalités de notre monde où Dieu est présent. Ainsi comme ne pas évoquer aujourd’hui l’ouverture à Lourdes en ce moment même du rassemblement national Diaconia 2013 ? De notre diocèse, près de 200 personnes ont pris la route pour s’y rendre. Ce qui est étonnant est que cette délégation n’est pas seulement constituée de personnes engagées dans le Secours Catholique, la Société Saint Vincent de Paul ou tous les différents organismes de charité mais il y a aussi une centaine de personnes aidées qui sont parties. Ecoutons leur souhait pour cette rencontre :

« Mon rêve c’est d’aller à Lourdes, je veux partager ce bonheur et le ramener dans ma paroisse. Je ne voudrais plus de discrimination. »

« Partager des journées et nuits avec des personnes en fragilités, être un bâton de route, mais aussi trouver des appuis pour aller plus loin dans ma Foi.  Trouver à Lourdes dans ce rassemblement des nouveaux modes de vie en Eglise. Trouver des lieux de fraternité, de tolérance. »
« Notre force est dans la communion entre nous. On sera plus fort après dans nos paroisses pour être témoin de l’amour de Dieu dans nos vies. Nous devons croire en l’homme et ses possibilités. »
« Aller à Lourdes ? C’est remercier la Vierge de toutes les grâces que j’ai eues. Quand on fait le bilan : octobre : SDF ; Février : un appartement ; Avril : un travail ! »
Il y a des lieux sur terre où le ciel se manifeste avec plus d’évidence. Assurément Lourdes en est un. Il est donc formidable que viennent aujourd’hui se rassembler ces hommes et ses femmes dans la ville de l’humble Bernadette, qui a connu la précarité, l’humiliation avec l’arrestation de son père mais aussi la grâce de la visite de la Dame qui l’a relevé en la « regardant comme une personne » témoigne la sainte.

Cette rencontre nationale en ce jour de l’Ascension vient bien nous dire que notre devoir de chrétien est aujourd’hui et maintenant de nous appliquer à faire advenir le ciel sur la terre. « Vous serez mes témoins, dit Jésus dans son ultime message, jusqu’aux extrémités de la terre ». Lorsque Jésus est monté au ciel, il n’a pas laissé les Apôtres les bras croisés et les yeux au ciel. Il les a bénis et leur a donné une mission avec « la force de l’Esprit Saint, la force venue d’en haut ». Saint Luc précise que les apôtres retournèrent à Jérusalem, tout joyeux donc, avec « la certitude que donne la foi » et qu’ils « étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu ». Ce temple, c’est l’Eglise. Ce Temple, c’est le Corps du Christ. Ce Temple est donc à bâtir des pierres vivantes que nous sommes. Il est à bâtir chaque jour autour de la Pierre Angulaire qu’est le Christ. Nous en sommes donc à la fois les héritiers et les bâtisseurs. Le départ de Jésus vers le Ciel est donc clairement un appel pour chacun d’entre nous à vivre pleinement sa mission de baptisé dans le monde, son appel à la sainteté comme a aimé à le rappeler le Concile Vatican II. D’une manière inédite, nous pouvons être impressionnés par l’exemple qui nous vient du Saint Père, par cette volonté qu’il manifeste de cohérence entre les paroles et les actes. Je ne pense pas trahir de secret en racontant ce que m’a rapporté dernièrement une paroissienne. Beaucoup d’entre vous connaissent le P. Bède qui est venu rendre service dans notre paroisse plusieurs étés de suite. Vous savez qu’il est maintenant en poste à Rome pour sa congrégation des Spiritains. Un midi, il déjeunait avec le Supérieur de sa congrégation au Vatican. Et le supérieur lui a dit pendant le repas : « à la table, derrière toi, il y a le pape. » Et c’est ainsi dans la simplicité d’une salle de restaurant que le P. Bède a rencontré le Pape François.

Chers amis,
C’est l’Eglise toute entière, qui à l’image de son Pasteur, est invitée à poser des signes concrets et évidents de la présence du Christ parmi nous. Nous pouvons le faire dans de grands rassemblements. Saint Malo va accueillir dans qq semaines Cap et Tim, près de 3000 collégiens de notre diocèse.  Puis cet été les JMJ Breizhiliennes ou le Festival d’évangélisation Anuncio.  Nous pouvons aussi  le faire plus modestement dans l’accueil fraternel des uns et des autres, dans les responsabilités professionnelles, associatives, politiques ou bien sur ecclésiales qui sont les nôtres. A ce sujet, je pense que nous avons encore à nous laisser convertir par la présence des enfants dans nos assemblées. Ils sont peut être un peu bruyants, un peu dissipés… mais n’oubliez pas que le Royaume de Dieu leur ressemble et que « celui qui accueille en mon nom cet enfant, c'est moi qu'il accueille », rappelle Jésus.

Dans quelques instants, après s’être manifesté dans sa Parole, Dieu va se rendre présent dans l’Eucharistie. Mais aussi dans notre assemblée réunie. C’est pourquoi le thuriféraire vous encensera. Puissions-nous ensemble, bénir le Seigneur en étant des signes vivants du Royaume et de sa présence au cœur du monde.  

Spéciale dédicace à JM !

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