Homélie 11 novembre 2015 - Sainte Croix
Homélie 11 novembre 2015
« Or, c’était un samaritain. »
Dans l’Evangile que je viens de lire, avez-vous entendu cette
courte phrase « or c’était un samaritain ». En trois mots voilà
contenu, le nœud de ce récit de la guérison de dix lépreux par Jésus. Ce dernier fait ainsi remarquer clairement à
ses disciples, que le seul à faire preuve de reconnaissance pour cette guérison
miraculeuse, c’est l’étranger. Celui qui ne partage pas la foi des Ancêtres
mais qui pourtant est le seul à être capable de reconnaître en Jésus l’œuvre de
Dieu. Si Jésus met en exergue la belle réaction de l’étranger, c’est bien
qu’elle n’était pas évidente pour les juifs présents. Ne tient-on pas ici,
Frères et Sœurs, ce qui est souvent à l’origine de bien des conflits, de bien
des guerres qui ont ensanglantées nos siècles passés ? L’incapacité à
reconnaître la valeur de l’autre, de l’étranger, du différent n’est-elle pas à
la source de toutes les violences humaines ? Le Samaritain, l’Anglais, le
Prussien, le Juif, l’Allemand… La liste pourrait être longue de ceux qui à une
période de l’histoire sont devenus des ennemis… Celui qui est différent n’est
plus alors vu comme un frère en humanité mais un potentiel danger à ma
sécurité. Valorisant le comportement exemplaire du Samaritain, Jésus, et Il le
fera à plusieurs reprises dans l’Evangile, casse les frontières de l’ignorance,
du mépris de l’étranger et de sa violence sous-jacente. Nous le savons bien, il
n’y a pas d’autres moyens de marcher vers la Paix que de regarder l’autre
autrement. Non plus comme un ennemi… mais une femme, un homme qui a peut être
plus besoin qu’on lui tende la main. Nous connaissons cet épisode remarquable,
rappelé il y a quelques années par un film non moins remarquable, du Noël dans
les tranchées autour d’Ypres où Allemands et Britanniques
se rencontrèrent au milieu d'un paysage dévasté par les obus, échangèrent des
cadeaux, discutèrent et jouèrent au football.
Exemple concret que la fraternité peut prendre le pas sur la barbarie de la
guerre. Que le meilleur du cœur de l’homme peut s’exprimer même dans les
conditions les plus hostiles. Devant certains conflits d’aujourd’hui, nous
pourrions en douter pourtant. Devant certaines situations actuelles, nous pourrions
croire que la peur de l’étranger peut tenir lieu de réponse à la crise tragique de
tant de migrants ou de réfugiés qui essaient de franchir la Méditerranée pour
venir en Europe. Ecoutons l’appel
lancé par Mgr Georges PONTIER, évêque présidant la Conférence Episcopale en
France, la semaine dernière. Il
disait : « Qui nous
fera voir le bonheur ? » Sûrement pas les peurs, les rejets, les murs
dressés, les replis sur soi. Nous invitons les catholiques et tous les hommes
de bonne volonté à choisir l’accueil, la fraternité et la confiance. Nous les invitons
à s’engager dans la recherche de projets significatifs et adaptés aux
situations. Nous les invitons à faire entendre leur voix auprès des
responsables politiques pour que des décisions courageuses, humaines et
solidaires soient prises dans notre pays et en Europe. Nous les invitons encore
à leur rappeler le nécessaire soutien au développement des pays les plus
pauvres comme à la recherche de solutions justes et durables aux nombreux
conflits. »
Alors comment faire que le désir de paix
l’emporte sur la guerre ? Comment faire pour que la confiance l’emporte
sur la peur ? Permettez-moi de le dire avec les mots de la foi… Une seule
solution, un seul chemin possible : la sainteté ! Ce chemin suivi par
Saint Martin que l’Eglise fête justement en ce 11 novembre. Lui-même soldat
romain… Mais profondément marqué par sa foi. Et qui, selon le récit rapporté
par des témoins, devant un mendiant, n’ayant rien d’autre à lui offrir pour le
soulager et le réchauffer, lui donna la moitié de son manteau, la moitié qui
lui appartenait. L’autre moitié étant propriété de l’armée. Un tel geste ne se
programme pas… Il est le fruit d’une âme guidée par l’Esprit de Dieu, l’Esprit
de Paix, l’Esprit qui ouvre le cœur et l’intelligence au delà de toute
frontière. Si la guerre nait dans un cœur contaminé par le mal, la paix elle,
nait aussi dans un cœur gagné à la sainteté. Et ainsi de cœur en cœur, elle
peut gagner le monde. L’histoire est marquée par ses femmes, ses hommes qui ont
su au moment décisif changer leur regard sur l’autre, changer leur cœur. Ceux
qui en ont connu les horreurs, sont surement les premiers à dire : « plus
jamais la guerre ! » comme l’a proclamé fortement le Pape Paul VI en
1965 à la tribune des Nations Unies. Nous savons qu’il y a encore du chemin à
parcourir pour que cela soit vrai dans notre monde. A nous tous, la
responsabilité est confiée : quel monde voulons-nous construire ?
quelle société voulons-nous laisser aux générations futures ? Ecoutons
encore les mots de Mgr Pontier à ses frères évêques à Lourdes.
« Nous voulons redire où se trouve le chemin du bonheur : Il se
trouve dans le respect de la dignité inviolable de l’homme créé à l’image de
Dieu ; il se trouve dans le choix de sociétés où le souci du petit et du pauvre
prime sur les intérêts des plus fortunés. Il est des inégalités qui font honte
à l’humanité. Il se trouve, ce chemin du bonheur, dans le choix du dialogue et
du respect entre personnes et peuples aux convictions et aux religions
diverses. Il se trouve dans la logique de l’amitié et de l’estime entre les
peuples. Il se trouve dans le respect de la création, dans le souci de la maison
commune, dans le choix de modes de vie respectueux des besoins d’aujourd’hui et
de ceux de demain. Il se trouve encore et surtout dans l’ouverture spirituelle
à la connaissance et à l’amour de Dieu qui nous rend libres et nous tient en
confiance. Et il concluait ainsi : (…)Puisse notre monde entrer dans une
ère de miséricorde, de ten dresse, de fraternité, d’humanité. »