Homélie Immaculée Conception 2011
Aujourd’hui, l’Eglise fête donc en grande
solennité l’Immaculée Conception de la Vierge Marie. Autant dire que rien que
les termes de cette célébration « immaculée conception » sont
étrangers à la plupart de nos contemporains. Autant qu’ils pouvaient l’être à
la jeune Bernadette de Lourdes malgré la précaution toute maternelle de la
Vierge de lui parler en bigourdan : « Que Soy era immaculada
conceptiou ». On connaît la suite. Bernadette ne comprend rien à ce
message de la Vierge. Elle part en courant et ne voulant rien oublier se répète
ces mots jusqu’à la porte du presbytère. Lorsqu’elle annonce cette phrase au
brave curé Peyramale, celui-ci sera troublé. Nous sommes le 25 mars 1858 et ce
n’est que quatre ans plus tôt, en 1854, que le pape Pie IX en avait fait une
vérité de foi catholique. La dame de la grotte ayant enfin révélé son identité,
il semble là qu’il y ait un tournant dans l’histoire de Lourdes et le succès de
ses pèlerinages par la suite. C’est
aussi en 1852 que naît à Lyon la tradition de la fête des lumières le 8
décembre pour fêter l’inauguration de la statue de Notre Dame de Fourvière. Invitation
est faite aux lyonnais de dire « Merci, Marie ».
Aucun doute, nous fêtons donc bien Notre Dame.
Ce qui est d’autant plus justifié que nous sommes au milieu du temps de l’Avent
dont Marie est l’une des figures emblématiques avec Jean Baptiste, évoqué
dimanche dernier. Car comme nous l’avons dit dans l’oraison d’ouverture, Dieu a
préparé à son Fils « une demeure digne de lui ». Avec Marie, le
catéchisme de l’Eglise catholique nous rappelle que nous avons un modèle de la
Foi. Elle ne cesse de nous montrer le chemin de la foi, de la prière, de la
juste attitude de l’homme vis à vis de Dieu. Le peuple chrétien ne s’y trompe
pas d’ailleurs. Ces foules qui envahissent les sanctuaires mariaux savent
trouver en elle ce recours à toutes leurs demandes, à leurs infidélités, à
leurs manques de foi. De l’accueil de la Nouvelle portée par l’ange à la mort
de Jésus sur la croix, puis ensuite au Cénacle avec les apôtres, « la
Vierge Marie est allée «dans le pèlerinage de la foi » jusque dans la nuit
de la foi en communiant à la souffrance de son fils et à la nuit de son tombeau »
nous dit le catéchisme. Ainsi elle nous montre le chemin. « La première en
chemin, Marie, tu nous entraines » avons-nous l’habitude de chanter. Son
fiat, que nous venons de réentendre dans l’Evangile de ce soir, est bien un
acte humain de sa volonté pour accueillir le choix inattendu et étonnant de
Dieu. Marie n’est pas un pantin, un simple instrument de l’économie divine. Par
sa réponse admirable « Voici la servante du Seigneur : que tout se
passe pour moi selon ta parole », elle nous invite à accepter positivement
l’invitation de Dieu, a nous laisser bouleverser par Lui, à accepter qu’Il
vienne changer nos plans de carrière, nos projets de vie bien ficelés d’avance
mais qui risque de s’écrouler parce que trop fondés sur des critères de
réussite humaine. Vous le savez bien, amis séminaristes. Dire oui à Dieu est
une expérience qui nécessite constamment de faire fi de son amour propre, des
ses ambitions mondaines pour choisir une autre ambition bien plus grande :
s’ajuster à sa condition de Fils de Dieu au service du Seigneur. Même si cela
peut être parfois un combat rude, bienheureux êtes-vous d’avoir oser un premier
pas. Le pire aurait été de ne pas choisir. Je connais quelques exemples d’une
tristesse dramatique. Le premier pas de Marie est ce « oui » sans
réserve qui l’entraine vers un destin inconnu mais frappé du sceau de l’amour
divin.
Mais cette fête de l’Immaculée Conception, nous
invite à aller plus loin. Car si nous pouvons à juste titre admirer le fiat de
la Vierge Marie et le redire chaque jour pour nous même laissant Dieu prendre
chair en notre chair, il nous faut tout autant admirer l’action et l’œuvre de
la Grâce qui l’a ainsi préserver de « toutes les séquelles du premier
péché ». Pour cela, la jeune femme de Galilée n’y est pour rien. Elle ne
peut qu’accueillir ce don gratuit et se laisser faire par la grâce dont elle
est comblée. Ce dessaisissement de soi-même peut aussi fonctionner pour nous
comme un modèle. Bien souvent, nous sommes tellement préoccupés de bien faire,
de faire la volonté de Dieu que nous nous y attelons de toutes nos forces. Tant et si bien que nous
allons nous fatiguer. Si l’on fait tourner un moteur à plein régime sans arrêt,
non seulement il va consommer beaucoup mais en plus il risque d’exploser au
bout d’un certain temps. Marie, ce soir, nous invite à tout autre chose. Se laisser
faire. Accepter de se laisser faire, de se laisser modeler par le Créateur.
« Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus
Christ ». Comment cela va t’il se faire ? En refusant nos velléités
volontaristes qui peuvent se transformer en une sorte de pélagianisme, de salut
acquis par la somme de nos petits efforts, à la force de nos poignets. Comment
cela va t’il se faire ? « L’Esprit Saint viendra sur toi et la
puissance du Très haut te prendra sous son ombre. » Ainsi c’est l’Esprit
Saint qui travaille, c’est Lui qui opère par sa force. Il nous faut juste, pour
reprendre la belle image de l’Ange, nous mettre sous son ombre. Nous comprenons
bien alors que nous ne sommes à l’origine ni de l’arbre et encore moins du
soleil qui permettent l’ombre. Bien sûr me direz-vous, nous n’avons pas été
conçu sans péché. Pourtant, « il faut résister à la tentation de
s’enfermer dans une culpabilité paralysante, écrasés par notre péché, nos
faiblesses… » écrit un auteur spirituel dans un beau livre intitulé
« de la peur à la grâce ». « On se croit alors indigne de la
grâce de Dieu » poursuit-il. « Cette culpabilité conduit au repli sur
soi au lieu que notre regard se porte sur Dieu. On risque alors de s’y
complaire, d’en tirer orgueil et d’en faire une idole. Il faut fracasser cette
idole et se tourner vers notre Seigneur qui est amour. » Saint Paul nous
redit pourtant comme aux habitants d’Ephèse : « En Jésus Christ,
Dieu nous a choisi avant la création du monde, pour que nous soyons, dans
l’amour, saints et irréprochables sous son regard ». Sous l’ombre de son
regard d’amour. Oui, comme Marie, il nous faut cette confiance inouïe qui se
laisse travailler par la grâce. En elle, aucune peur, aucun refus ne vient
troubler l’œuvre de la grâce. Avec elle, nous pouvons prier avec ces mots
attribués à Charles de Foucauld :
Notre Dame, qui par votre oui avez changé la face du Monde,
prenez en pitié ceux qui veulent dire "oui" pour toujours.
Vous qui savez à quel prix ce mot s'achète et se tient :
obtenez-nous de ne pas reculer devant ce qu'il exige de nous.
Apprenez-nous à le dire comme vous dans l'humilité, la pureté, la simplicité et l'abandon à la volonté du Père.
Faites que, tout au long de notre vie, les "oui" que nous dirons après celui-là ne soient pas autre chose qu'un moyen d'adhérer encore plus parfaitement à la volonté de Dieu: pour notre salut et celui du monde entier.
prenez en pitié ceux qui veulent dire "oui" pour toujours.
Vous qui savez à quel prix ce mot s'achète et se tient :
obtenez-nous de ne pas reculer devant ce qu'il exige de nous.
Apprenez-nous à le dire comme vous dans l'humilité, la pureté, la simplicité et l'abandon à la volonté du Père.
Faites que, tout au long de notre vie, les "oui" que nous dirons après celui-là ne soient pas autre chose qu'un moyen d'adhérer encore plus parfaitement à la volonté de Dieu: pour notre salut et celui du monde entier.
Amen.