Rien sans amour !
Homélie Dimanche des Vocations
2012
Il y a quelques années, alors que
j’étais supérieur de la Maison Charles de Foucauld, nous avons fait notre
pèlerinage de rentrée à Lisieux. C’était d’ailleurs la première année où nous
accueillions plusieurs jeunes du diocèse de Bayeux-Lisieux. Un chapelain eu la
bonne idée alors de solliciter une rencontre entre la vingtaine de jeunes
hommes faisant ainsi un tout premier pas vers une vocation presbytérale et vos
sœurs du Carmel de Lisieux. Ce qui fut fait. Après quelques premières minutes
de timidité réciproque, nous vécûmes un échange extraordinaire. Nous étions un
peu au ciel déjà, impressionné de notre côté par la sainteté qui se dégage
toujours d’une vie communautaire entièrement donnée au Christ et pour les sœurs
sans doute joyeuses de voir des jeunes choisir la suite du Christ. Chaque sœur
fut invitée à dire un message qu’elle portait pour ces vocations naissantes. La
simplicité et la franchise étaient au programme. Et pour terminer ce moment,
l’intensité monta encore d’un cran lorsque chaque garçon alla offrir une rose à
une sœur se promettant une mutuelle prière commune. Ainsi le Carmel de Lisieux,
comme celui de Vezin, j’en suis sûr, était fidèle à l’accueil et la prière pour
les vocations et particulièrement celle de prêtre.
A l’abbé Bellière qui
s’excusait de l’ennuyer « avec tout ce verbiage, dans lequel il semble
que je parle de moi à outrance » ; Thérèse répondait « Ô mon cher petit frère, je vous en prie, ne
croyez jamais m’ennuyer, ni me distraire, en me parlant beaucoup de vous.
Serait-il possible qu’une sœur ne prit pas intérêt à tout ce qui touche son
frère ? Pour ce qui est de me distraire, vous n’avez pas à craindre :
vos lettres au contraire, m’unissent davantage au bon Dieu, en me faisant
contempler de près les merveilles de sa miséricorde et de son amour ».
L’abbé Bellière et de nombreux
autres aussi bénéficièrent de l’attention et de la prière de la Petite Thérèse.
Aujourd’hui encore ce Carmel est un haut lieu de prière pour les vocations et
pour les prêtres. La belle veillée de jeudi soir dernier en témoigne en
présence du Père Supérieur du Séminaire et de quelques séminaristes. Ainsi
alors que nous savons combien nous en manquons, nous sommes invités par Jésus
lui-même à « prier le maitre de la moisson afin qu’Il envoie des ouvriers
pour sa moisson ». Que retentisse dans le cœur de jeunes hommes, l’appel à
devenir de « bons pasteurs » à l’imitation de Jésus Christ qui en
donnaient la définition dans l’Evangile de ce jour.
Cette prière est importante,
essentielle. Mais nous ne devons pas nous tromper sur ce que nous demandons. Il
ne s’agit pas de faire plier le Seigneur au vu d’improbables arguments
numériques. Le Père Jérôme, moine de Sept Fons écrivait « le sacerdoce devrait-il dépendre des critères
appliqués aux autres métiers ? Dans
la Cité, en effet, les activités se répartissent selon les besoins. Ainsi on
n’aura pas plus de confiseurs ou de dentistes, que n’en demande la clientèle.
Veut-on soumettre à ce régime-là le Royaume de Dieu ? (…) Lorsque durant
le « dernier repas » notre Seigneur fit ses premiers prêtres, il ne
mit aucune proportion entre le nombre de ceux-ci et une quelconque nécessité
cultuelle ou missionnaire. Il fit prêtres tout simplement ceux que le Père lui
avait donné et qu’il avait lui-même choisi pour être ses compagnons ».
Notre prière ne doit donc pas être orientée vers le nombre de prêtres. Mais sur
leur qualité. Ne dit-on pas « donnez-nous des saints prêtres » ?
Bien sûr, nous aimerions qu’il y ait aujourd’hui en France plus de jeunes
filles et de jeunes hommes à suivre cette voie. Mais surtout ce qu’il faut
vouloir, c’est leur sainteté. Ce qu’il faut demander nous est indiqué dans les
deux lectures de ce jour. D’après les Actes, reconnaître que le Christ est la
pierre angulaire sans laquelle toute vie ne peut tenir et est comme une maison
bâtie sur le sable. Et d’après la lettre de Saint Jean, reconnaître que le Fils
nous ouvre à l’amour du Père : « voyez comme il est grand l’amour
dont Il nous a comblés ».
Pour cette 49é journée de prière
pour les vocations, le Saint Père a écrit une de ces si belles méditations. Il
rappelle qu’à la source de toute vocation, il y a l’amour. « Nous sommes aimés par Dieu “avant” même de venir à l’existence !
Mû exclusivement par son amour inconditionnel, Il nous a “créés de rien”
(cf. 2M 7, 28) pour
nous conduire à la pleine communion avec Lui. (…) La vérité profonde de notre
existence est ainsi contenue dans cet étonnant mystère: chaque créature, en
particulier chaque personne humaine, est fruit d’une pensée et d’un acte de
l’amour de Dieu, amour immense, fidèle, éternel (cf. Jr 31, 3). Découvrir cette
réalité change véritablement notre vie en profondeur. » écrit-il. Et il ajoute cette anecdote « A la prieure
du monastère de Ségovie, peinée par la situation dramatique de la suspension
dont il était l’objet au cours de ces années, saint Jean de la Croix répond en
l’invitant à agir selon le dessein de Dieu : « Ne pensez à rien d’autre, sinon
que tout est disposé par Dieu; et là où il n’y a pas d’amour, mettez l’amour et
vous récolterez l’amour » (Lettre, 26).
Voilà donc bien
ce qui doit être notre prière : que nous-même aimions toujours plus
« le bon Dieu » comme aurait dit Thérèse. Et que les jeunes s’ouvrent
toujours plus à cet amour, qu’ils puissent le découvrir. C’est la clé d’une
vocation.
En ce jour, il
nous faut donc aussi prier pour les familles car comme le rappelle Benoit XVI,
elles sont le lieu d’expérience de l’amour oblatif. Citant l’exhortation
Familiaris consortio il rappelle qu’elles peuvent représenter « le premier et le meilleur séminaire de la
vocation à une vie consacrée au Royaume de Dieu ».
Chères Sœurs,
Chers amis,
Les vocations
existent encore. J’en ai rencontré. De belles, très belles vocations. Prions
fidèlement et sans relâche pour que le Seigneur fassent de nous tous des
témoins d’amour qui invitent au grand Amour qui ne finit jamais.
Amen !