Au coeur : l'Amour !
Homélie
de la Fête du Cœur de Jésus
Frères,
Me
voilà dans ce difficile exercice de prêcher la fête du cœur de Jésus devant
notre vénérable et vénéré Recteur qui en est un éminent spécialiste, non
seulement par intérêt personnel, mais aussi par son Père spirituel, Saint Jean
Eudes, qui dès l’année 1672 fit célébrer une messe du Cœur de Jésus dans ses
communautés eudistes. Autant vous l’avouez, ma dévotion ne m’a pas encore porté
instinctivement vers ses hautes demeures spirituelles. Il me faut aller chercher
du côté de mes affinités avec St Ignace, St Louis-Marie Grignion de Monfort ou
évidemment le Bx Charles de Foucauld pour goûter aux joies de cette dévotion.
Pour expier en public ma culpabilité, il faut en toute justice porter à mon
crédit d’avoir placé la chapelle de la Maison Charles de Foucauld sous le
vocable du Sacré-Cœur. Il n’est donc jamais trop tard pour s’y mettre. D’autant
plus depuis que j’ai appris, grâce à la science du vicaire général du diocèse
de Quimper et Léon, que j’aurai comme curé de Paramé un très illustre
prédécesseur, Pierre-Joseph de Clorivière, restaurateur de la Compagnie de
Jésus en France en 1814 et fondateur des Prêtres du Cœur de Jésus, connu
aujourd’hui sous le non de Cor Unum. Ainsi même si nous en sommes un bien
indigne instrument, laissons la grâce nous inspirer, écoutons ce que l’Esprit
veut nous dire en cette solennité.
De
ma méditation, je veux tirer deux orientations pour cette fête : une fête
qui nous tourne vers l’Amour. Une fête qui nous tourne vers le cœur du Pasteur.
Cependant,
vous allez voir comme je pars de loin… Dans mon imaginaire (ce qui n’est donc
pas la réalité, convenons-en), cette fête du Sacré Cœur est liée à une
spiritualité un peu « fleur bleue », d’une époque si pieuse qu’elle
en aurait peut être oubliée l’essentiel. Et c’est bien là que je me
trompe ! Si nous « tournons nos regards vers Celui que nous avons
transpercé », ce n’est pas pour nous complaire dans une vénération morbide
d’un cœur sanglant mais pour rappeler l’humanité du Christ qui vient partager
notre vie humaine et pour exprimer l’amour infini de Dieu pour l’homme. Il
faudrait relire l’encyclique du Pape Pie XII Haurietis Aquas qui nous montre
comment cette dévotion nous fait aller « aux sources du Salut ». Il
écrit citant Léon XIII : « Nous
trouvons dans le Sacré Cœur, le symbole et l’image exacte de l’infinie charité
de Jésus Christ qui nous pousse à y répondre par notre propre amour. »
Voilà comment le Cœur de Jésus nous entraine au cœur de la Foi. Le Saint Père
Benoit XVI l’a montré aussi en nous adressant la première de ses encycliques. Le
sujet choisi m’a bluffé par son évidence : « Deus caritas est ».
Dieu est amour. Tout cela nous parait d’une simplicité enfantine. Mais c’est un
si grand mystère. Un mystère de la foi si important pour notre temps. Plus
j’avance, plus je pense que nous ne devrions jamais prêcher qu’une seule et
unique chose : l’amour de Dieu. Tant pis si nous lassons l’auditeur et
horreur si nous nous en lassons !
Dans
sa lettre apostolique pour l’Année de la Foi, Benoit XVI a cette magnifique
formule si brève mais si explicite : « Professer la foi dans la Trinité – Père, Fils et Saint-Esprit
– équivaut à croire en un seul Dieu qui est Amour (cf. 1 Jn 4, 8) ». Et il
développe : « le Père, qui dans la
plénitude des temps a envoyé son Fils pour notre salut ; Jésus-Christ, qui dans
le mystère de sa mort et de sa résurrection a racheté le monde ; le
Saint-Esprit, qui conduit l’Église à travers les siècles dans l’attente du
retour glorieux du Seigneur. ». Contempler le cœur transpercé du
Christ nous rappelle inlassablement que par son acte d’amour suprême, Jésus nous
aime et nous sauve au-delà de toutes nos faiblesses, nos infirmités, notre
pêché : « inépuisable
charité de notre Divin Rédempteur » écrivait avec ses mots Pie XII. Et
cela reste et restera d’une actualité brulante si vous voulons bâtir la civilisation de l’Amour, chère au Bx
Jean Paul II. « Restez enracinés
dans l’amour, établis dans l’amour. » écrit Saint Paul aux Ephésiens.
Mais
cette fête, nous invite à nous tourner aussi vers une autre dimension, surtout
dans un Séminaire. Nous ne lisons pas Jérémie mais le prophète a une belle
expression résumant cela : « Je vous
donnerai des pasteurs selon mon cœur » Jr 3,15. Contempler le Cœur du
Christ nous invite à avoir ce même cœur particulièrement dans le souci
pastoral. Belle leçon pour le curé que je vais être, pour les prêtres que vous
serez, je le souhaite. Car il nous faut nous efforcer de devenir des pasteurs
selon le cœur de Dieu, nous rappelant que la qualité essentielle et nécessaire
est d’abord et avant tout la charité pastorale. Bien sûr, il faut que nous
soyons nourris de saine théologie, d’ardente spiritualité, de vivante liturgie.
Mais tout cela ne sert à rien, voir peut même être dévoyé, si ce n’est pas
couronné par l’amour. Quand je découvre une assemblée du dimanche pour laquelle
je viens présider la messe (cela m’est arrivé plusieurs fois cette année), la
première chose qui doit me venir à l’esprit est de la regarder avec le même
regard que le Christ : un regard qui aime ! A l’image de ce Dieu d’Osée à l’attitude
étonnement maternelle : « dès son enfance, j’ai aimé ce peuple… Je
lui ai appris à marcher… Je le guidais avec humanité par les liens de
tendresse. ». Le peuple n’a pas répondu. Mais Dieu fait miséricorde c’est
à dire qu’Il a « le cœur sensible à la pitié ». Il nous fait être ses
prêtres « doux et humble de cœur » qui agissent, prêchent, célèbrent,
enseignent selon le cœur de Dieu.
Ancrée dans l’histoire de la
spiritualité et particulièrement en notre pays grâce à Marguerite-Marie et
Claude de la Colombière, cette fête du Cœur du Christ est tout sauf un vieux
truc ringard que quelques amoureux d’un passé révolu aimeraient à ressortir des
placards mités. Le Bx Jean-Paul l’écrivait encore en 1986, cité par Benoit XVI
en 2006, "auprès du Cœur du Christ, le cœur de
l'homme apprend à connaître le sens véritable et unique de sa vie et de son
destin, à comprendre la valeur d'une vie authentiquement chrétienne, à se
garder de certaines perversions du cœur humain, à joindre l'amour filial envers
Dieu à l'amour du prochain. Ainsi - et c'est la véritable réparation demandée
par le Cœur du Sauveur - sur les ruines
accumulées par la haine et la violence, pourra être bâtie la civilisation du
Cœur du Christ".
Amen