Folie du monde, sagesse de Dieu

Homélie du 7é dimanche du T.O. - 23 février 2014

« Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » écrit le Livre des Lévites.
« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » dit Jésus dans l’Evangile de ce dimanche.
L’invitation est claire… mais j’ai bien peur que lorsque nous entendons ces demandes, nos oreilles se bouchent rapidement. Notre cœur se ferme. Par modestie bien sûr. Car nous n’osons pas imaginer être un jour parfait. Cette perfection est réservée à Dieu. Nous le comprenons et acceptons aisément. Dieu pourrait-il ne pas être parfait ? Non. Sinon, il ne serait pas Dieu. Si nous admettons que Dieu est parfait, je voudrai que nous démontrions, presque comme par A+B, que nous pouvons l’être aussi.

Commençons donc notre raisonnement ensemble. Dieu est parfait. Il est le saint des saints. Pas de plus haute perfection qu’en Lui. Jusque là, nous sommes d’accord. 2é étape : Jésus est Dieu. J’espère que là aussi, nous sommes d’accord. Mais là arrive une petite complication. Ou plutôt, il est nécessaire d’apporter une précision car Jésus est, nous le savons aussi, à la fois vrai Dieu et vrai homme. En Lui et de manière tout à fait unique, ces deux natures sont unies. Or nous avons dit plus haut que Dieu était parfait. Donc vous serez encore d’accord avec moi pour dire que Jésus, qui est Dieu sans aucune restriction, est lui aussi parfait. Tout en Jésus est parfait… Il n’est pas à moitié parfait. Jésus Dieu est parfait comme Jésus homme est parfait. Nous sommes encore d’accord ? Ainsi Jésus est parfait quand il prêche la Bonne Nouvelle, quand il guérit des malades ou prie son Père sur la montagne. Mais Jésus est parfait aussi quand il pleure son ami Lazare qui vient de mourir, quand il est fatigué et demande de l’eau à la Samaritaine, quand il veut pendant quelques instants écarter la coupe de la souffrance pendant sa Passion. Rien de la vie de Jésus ne peut donc être sérieusement exclu de la perfection divine. 

Et c’est ainsi que nous-mêmes, femmes et hommes, pouvons accéder à la perfection. Puisque Jésus est parfait aussi dans son humanité, il entraine la notre dans sa perfection. Première bonne nouvelle de ce dimanche que je viens de vous démontrer de manière évidente : Vous, nous pouvons être parfaits… On peut le dire autrement : nous sommes tous appelés à la sainteté. Nous pouvons tous être des saints. Saint Paul le dit simplement : « n'oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous. » Le concile Vatican II l’a rappelé clairement dans un de ces textes les plus forts : celui sur l’Eglise, Lumen Gentium. Les Pères conciliaires écrivirent : « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie [124] ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence. »

Comme j’aimerais que nous osions y croire et le penser vraiment en sortant de cette église aujourd’hui. Malgré toutes les lourdeurs de notre vie humaine, toutes nos limites : nous pouvons être parfaits… Nous pouvons être saints… Nous voulons être parfaits… Nous voulons être saints. 

Avant de nous auto-juger incapable, osons croire que nous pouvons le devenir. Car croyez-vous que Sainte Bernadette que nous avons fêté cette semaine auraient osé penser devenir sainte, elle que des femmes de Lourdes appelaient « la petite merdeuse » ? Croyez-vous même que Jean-Paul II qui sera canonisé le 27 avril prochain aurait pensé être saint ? Non. Ils ont fait ce que Dieu leur demandait. Ils ont répondu humblement à la volonté de Dieu. Le Concile Vatican II précise : « Appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son dessein gracieux, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. » LG 40.

Ainsi, nous voilà dégagé d’un grand souci : Car nous avons effectivement raison : ce n’est pas par nos propres forces que nous pouvons être parfait, saint. C’est par la grâce de Dieu. Un exemple : Saint Ignace de Loyola. Lui, il nous est dit que jeune il voulait être saint. Mais il en rêvait alors qu’il était cloué dans son lit, un boulet de canon lui ayant  broyé la jambe et fait ainsi s’envoler ses grands désirs de gloire militaire. C’est lorsqu’il est complètement faible et impuissant qu’Ignace de Loyola marche le plus sûrement vers la sainteté offerte par Dieu gratuitement. Si aujourd’hui, nous partageons le choix de la sainteté plus clairement : comment y accéder ? Comment par notre vie, nos paroles, nos actions accéder à la perfection ? Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie, écrit le Concile. 

La réponse tient en un mot : charité. « Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis » rappelle Jésus. Une loi unique, la loi de l’amour qui ne comporte pas d’exception. Comment faire ? Vatican II précise encore :
« Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. » LG 40

Benoit XVI, lui qu’on a dit compliqué, l’expliquait simplement  dans une catéchèse : « Peut-être ce langage du Concile Vatican II est-il encore un peu trop solennel pour nous, peut-être devons-nous dire les choses de manière encore plus simple. Qu’est-ce qui est essentiel ? Il est essentiel de ne jamais laisser passer un dimanche sans une rencontre avec le Christ Ressuscité dans l’Eucharistie; cela n’est pas un poids en plus, mais une lumière pour toute la semaine. Il ne faut pas commencer ni finir une journée sans avoir au moins un bref contact avec Dieu. Et, sur la route de notre vie, suivre les «panneaux routiers» que Dieu nous a communiqués dans le décalogue lu avec le Christ, qui est tout simplement l’explicitation de ce qu’est la charité dans des situations déterminées. Il me semble que cela est la véritable simplicité et la grandeur de la vie de sainteté: la rencontre avec le Ressuscité le dimanche; le contact avec Dieu au début et à la fin de la journée; suivre, dans les décisions, les «panneaux routiers» que Dieu nous a communiqués, qui sont seulement des formes de charité. «C’est donc la charité envers Dieu et envers le prochain qui marque le véritable disciple du Christ» (Lumen gentium, n. 42). Telle est la véritable simplicité, grandeur et profondeur de la vie chrétienne, du fait d’être saints. ». Ce que le grand Saint Augustin résume par cette parole audacieuse « Aime et fais ce que tu veux ». 

Frères et Sœurs, « Que personne ne s'y trompe : si quelqu'un parmi vous pense être un sage à la manière d'ici-bas, qu'il devienne fou pour devenir sage ». Fou de Dieu, Fou d’amour.




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