La vocation sublime du baptisé.

Homélie Baptême du Seigneur – A – 2014

« Jésus (…) vient à Jean pour se faire baptiser par lui.
Jean voulait l'en empêcher et disait : « C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit : « Pour le moment, laisse-moi faire… »

Frères et Sœurs,
Il a bien raison Jean-Baptiste de vouloir empêcher Jésus d’être baptisé par lui et de lui demander de le baptiser. Il a bien raison car il l’a annoncé : Celui qui vient est bien plus grand que lui. Jean-Baptiste n’est pas digne de lui défaire ses sandales. Il ne baptisera plus dans l’eau mais dans le Feu et l’Esprit. Et pourtant Jésus insiste et dit à Jean-Baptiste : « laisse-moi faire ». Tu ne comprends pas encore tout mais cela doit être ainsi. Pourquoi Jésus se fait donc baptiser dans le Jourdain ? C’est d’ailleurs la question que j’entends parfois de chrétiens. Pourquoi Jésus le Christ avait-il encore besoin d’être baptisé par Jean-Baptiste ? En fait, il n’en avait aucun besoin… Mais ce baptême est cependant nécessaire. Pour deux raisons, je crois :

1. Le baptême de Jésus nous révèle qui Il est.
2. Le baptême de Jésus nous révèle qui nous sommes.

1. Le baptême de Jésus nous révèle qui Il est.
Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau ; voici que les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour. »
Nous sommes là au début de l’Evangile et juste avant le début de la mission de Jésus. Déjà on parle de lui. On se pose des questions. Serait-il le Sauveur ? Le Messie ? La voix qui vient des Cieux donne une réponse claire : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour. » Jésus est donc d’abord et avant tout le Fils bien-aimé du Père du Ciel. Il est « Dieu, né de Dieu » comme nous le disons dans le Credo. Il est Celui qui réponds à la prophétie d’Isaïe que nous avons entendu dans la 1ère lecture : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j'ai mis toute ma joie. ». Il est l’élu de Dieu donc et le serviteur. Ainsi nous apprenons qu’il est tout à la fois le « Très Haut » et le « Très Bas ».
Le « Très haut » car il est le Messie, Dieu fait homme, la lumière des Nations que sont venus saluer les Rois Mages, Dieu sur terre. Mais il est aussi le « Très Bas » car en Lui Dieu a pris notre humanité. Il a l’humilité de prendre notre humanité. Avec ce baptême dans le Jourdain, c’est d’ailleurs un abaissement au sens propre qu’il vit puisque cette rivière est à plus de 300 m. au dessous du niveau de la mer. Le Prince de la Paix se présente à nous dans cet enfant né dans une mangeoire, baptisé comme l’un des disciples de Jean Baptiste.
Ayant ainsi été révélé dans ce qu’Il est profondément, Jésus peut entreprendre sa mission, ce pourquoi il a été envoyé parmi nous. Les Actes des Apôtres écrivent : « Après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu l'a consacré par l'Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui. » Sa mission : faire le bien, guérir. Ce baptême est donc bien pour Jésus un acte révélateur et fondateur.


2. Le baptême de Jésus nous révèle qui nous sommes.
 Il en est ainsi indéniablement pour le Christ. Mais aussi pour nous-même. Pour tous les baptisés. Ce récit se trouve au tout début de l’Evangile de Matthieu bien sûr. Et si nous allons regarder à la toute fin en 28, 19 : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. ».  Jésus a été baptisé par Jean-Baptiste mais ainsi il a renouvelé ce qui deviendra le sacrement d’entrée dans la vie chrétienne. Ce qui était un rite de conversion, de purification avec Jean-Baptiste devient un rite d’adhésion. La voix qui dit « Tu es mon Fils bien aimé » nous pourrions presque l’entendre à chaque baptême que nous célébrons. Chaque baptisé devient le fils, la fille, bien aimée du Père, l’enfant bien aimé de Dieu. Le pape François a exprimé cela ce mercredi dans sa catéchèse : « Etre baptisé : c’est un acte qui touche notre existence en profondeur. Un enfant baptisé ou un enfant non baptisé, ce n’est pas la même chose. Une personne baptisée ou une personne non baptisée, ce n’est pas la même chose. Avec le baptême, nous sommes plongés dans cette source intarissable de vie qui est la mort de Jésus, le plus grand acte d’amour de toute l’histoire ; et grâce à cet amour, nous pouvons vivre une vie nouvelle, n’étant plus en proie au mal, au péché et à la mort, mais dans la communion avec Dieu et avec nos frères. » Etre baptisé nous rapproche infiniment de Dieu. Les chrétiens orthodoxes n’ont pas peur de parler de la divinisation de l’Homme par son baptême. Ou un Père de l’Eglise (Irénée de Lyon) écrivant dans les premiers siècles : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ».
Le Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine " (2 P 1,4) est-il écrit dans l’Ecriture.
" Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19, 1).
" Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25, 192B).
"Le Fils unique de Dieu, voulant que nous participions à sa divinité, assuma notre nature, afin que Lui, fait homme, fit les hommes Dieu" (S. Thomas d’A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).
Entendre cela, comprendre cela peut peut être nous faire peur. Quoi, moi, vous, devenir Dieu ? Oui, c’est bien le projet de notre baptême. Au baptême, nous perdons un peu de notre « lourdeur » humaine, de notre dimension terreuse selon le mot hébreu de la Genèse qui désigne l’homme comme le « terreux », le « glaiseux », celui qui est embourbé dans son humanité, pour nous faire accéder à la légèreté de l’Esprit Saint. Bien sûr, nous voyons vite que la lourdeur du péché reste présente dans nos vies. Mais nous sommes « capax Dei », capable de Dieu. Le Concile Vatican II dans GS l’exprime en ses termes : « Jésus-Christ. Lui, vrai Dieu et vrai homme, «dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation. » (Gaudium et spes, n. 22) Le baptême nous révèle la vocation sublime qui est la nôtre. Reconnaissant cela le Pape François mercredi a invité ses auditeurs à connaître la date de leur baptême pour la fêter chaque année comme un anniversaire. Dimanche dernier avec les mages, nous étions invités à contempler Jésus à la crèche. Aujourd’hui, je voudrais aussi que nous contemplions « l’être étonnant que nous sommes » comme le dit l’Ecriture. Pas pour faire du nombrilisme. Mais regarder la créature nous invite à reconnaitre l’œuvre du Créateur. Pour nous reconnaître aimés de Dieu et capable de nous hisser à sa hauteur. Nous somme si prompt à nous dévaloriser ou à dévaloriser les autres. Or « tu as du prix à mes yeux » dit Dieu. Nous avons chacun une valeur incroyable aux yeux de Dieu.

Jésus est baptisé par Jean-Baptiste pour nous dire qui il est et qui nous sommes vraiment en profondeur. Acceptons de nous laisser faire par l’Esprit, façonner par Dieu, pour être toujours plus fidèle à notre vocation sublime de baptisés.
Amen !




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