Homélie
Vendredi 2é semaine de carême.
Jacob, père de Joseph qui envoie son fils paître le troupeau.
Joseph et ses frères. Un propriétaire qui a un fils et qui envoie son fils à la
vigne. Qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament, la Bible est pleine
de ces récits faisant état de relations familiales et plus précisément
filiales. Parfois, elles sont paisibles et édifiantes. Parfois elles sont
tumultueuses et douloureuses. La péricope qui précède l’Evangile de ce jour en
saint Mathieu est précisément la parabole de l’homme qui avait deux fils. Qui
n’est pas celle du Fils prodigue ou du Père miséricordieux. Aujourd’hui, nous
voyons aisément comment les textes de ce jour ont un lien étroit sous cet angle
de la relation filiale. Joseph, le fils bien aimé est envoyé à Sichem où il
sera rejeté par ses frères et vendu, pour ne pas le tuer, à des étrangers. Le
fils du vigneron, l’hériter, qui est envoyé par son père, à la vigne où il est
tué par les serviteurs indignes. Histoires de Pères et de Fils. Ainsi en est-il
dans nos vies aussi. J’ai vu des fils
qui s’inscrivaient naturellement dans la droite ligne de leur père ou de leur
grand père. Mais je connais aussi Luc qui souffre depuis des années d’un père
qui ne le comprends pas et lui fait un mal psychologique fou. Ou aussi ce film
assez violent au titre faussement romantique « de battre mon cœur s’est
arrête » qui débute par une scène extraordinaire d’un fils qui n’en peut
plus d’être finalement le père de son père devenu dépendant. Ainsi
l’Ecriture Sainte n’est jamais éloigné de nos expériences humaines. Au
contraire, à travers elles, Elle nous tourne vers une autre réalité. Comment,
en effet, ne pas faire un lien évident entre les 2 textes de ce matin et les
relations entre le Père du ciel et Celui qui est désigné par deux fois
« le Fils bien aimé ». Nous entendions encore cela dimanche dernier
dans le récit de la Transfiguration : « celui-ci est mon Fils
bien-aimé, écoutez-le ». Mais cette génération est sourde. Les anciens ont
jeté Joseph dans une citerne et l’ont vendu à des étrangers. Ainsi en fut-il du
sort des prophètes. Et leurs descendants vont encore rejeter et crucifier ce
Fils qui dérange. « ils le tenaient pour un prophète ». Mais il y
avait là bien plus que cela. Il était Le Prophète. Mais ils n’ont pas compris
qu’il venait fonder une nouvelle famille ; qu’il veniat pour la
« love revolution ». Ceci n’est pas un slogan pour soixante huitards
attardés mais le mot d’ordre génial du festival d’évangélisation Anuncio. Ce
qui dans la bouche d’un pape, le Bx Jean_Paul II, se traduit par « la
civilisation de l’amour » come il aimait à le répéter. Mais pour cela, il
faut d’accepter de n’avoir qu’un seul Père… celui qui est aux cieux ! Il
faut accepter de n’être véritablement que les héritiers du Fils, qui a donné sa
vie pour nous. Il faut accepter de bousculer toutes nos relations terrestres,
légitimes et indispensables même, pour reconnaître qu’une seule est
nécessaire : l’amour de Dieu. Quand on l’a compris, on peut en vivre et
faire alors des choses extraordinaires. Quand on a compris que Dieu nous aime
tellement qu’Il nous à donné son Fils bien aimé pour nous sortir de notre
vallée de larmes et nous conduire vers la Vie éternelle, alors rien n’est plus
comme avant. Ainsi Joseph qui après avoir connu les affres de l’exil puis les
honneurs de la cour de pharaon où il accéda à des très hautes fonctions, qui
pardonne à ses frères au nom de l’amour de Dieu. Ainsi ce petit bout de femme
de Cancale au prénom banal de Jeanne qui prend une vielle femme indigente sur
ses épaules et lui offre son lit. Aujourd’hui plus de 2000 femmes ont pris sa
suite à travers le monde entier : ce sont les Petites Sœurs des Pauvres. B
XVI en a fait une sainte. Ainsi ce jeune ouvrier typographe rennais, Marcel,
qui n’hésitera pas à prendre des risques pour prier et vivre la messe en camp
de concentration et qui sera éliminé parce que trop catholique. JP II en a fait
un bienheureux. Et l’on pourrait continuer la liste… Et nous pourrions
continuer en étant sur la liste. Si nous acceptons de revêtir le Christ,
promesse de notre baptême, si nous acceptons d’endosser les habits neufs de
notre condition filiale jusqu’au bout, car Il nous aima jusqu’au bout !,
alors nous verrons l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux. Jésus est
celui qui nous montre sur la croix le jaillissement de l’amour du Père pour
nous, pour toi. Si les prophètes n’ont pas été entendu, Lui est l’ultime appel
de Dieu. « Nous vous en supplions, au nom du Christ, laissez-vous
réconcilier avec Dieu » écrit Saint Paul. Benoit XVI dans son magnifique
message de Carême reprends : « le fait d’être frères en humanité et, dans bien
des cas, aussi dans la foi, doit nous amener à voir dans l’autre un véritable
alter ego, aimé infiniment par le Seigneur. Si nous cultivons ce regard de
fraternité, la solidarité, la justice ainsi que la miséricorde et la compassion
jailliront naturellement de notre cœur. »
Frères et Sœurs,
La charité nous presse. La « love
revolution » est en marche depuis plus de 2000 ans. Mais elle ne pourra se
faire pleinement sans nous. C’est maintenant le temps favorable. Ne fermons pas
notre cœur mais écoutons la voix du Seigneur, du Fils bien aimé. Que vais-faire
aujourd’hui pour que mon frère devienne un peu plus encore mon frère ? Que
vais-je faire pour devenir un peu plus un fils ?
Amen !