23 novembre 2025 - Monastère de Beaufort.
Il m’arrive d’aller visiter un de mes filleuls en Belgique. Et moi le petit français, républicain depuis ma naissance, je suis toujours étonné de voir ici ou là des allusions au Royaume de Belgique et à son souverain. Puisque nous fêtons le Christ roi, et malgré mon nom de famille qui d’après la légende familiale indique qu’un de mes lointains ancêtres étaient tailleur de pierre pour un roi de France, essayons de regarder ensemble ce qu’est un roi. Quelles sont les caractéristiques qui pourraient nous faire mieux connaitre et aimer le Christ ?
Si nous nous tournons du côté des monarchies actuelles, nous risquons d’être un peu déçu du voyage. A l’exception notable du roi des belges Baudouin dont le pape François a souhaité la béatification, depuis le décès d’Elizabeth d’Angleterre, les rois et reines d’Europe ne brillent pas par leur exemple. Encore ces derniers jours, Juan Carlos d’Espagne essayait des critiques quant à son lien et son admiration pour le dictateur Franco. Il y a un pays où un président élu démocratiquement est assimilé à un roi et a même déclenché un mouvement populaire intitulé « no kings » = pas de roi. C’est bien sûr, Donald Trump aux USA. Les mois derniers, plus de 7 millions de ces concitoyens ont défilé pour critiquer son pouvoir autoritaire et la corruption de son administration. Il est vrai que se faire construire une salle de bal gigantesque à 200 millions de dollars révèle d’un goût royal pour ne pas dire impérial ! Le roi serait-il donc l’homme du luxe et de l’apparat, de la soif de pouvoir autoritaire et arbitraire ? Notez que la France laïque affuble plutôt ses présidents de caractéristiques divines : François Mitterrand n’était-il pas surnommé Dieu et Emmanuel Macron Jupiter. Étonnant non ? Bref, inutile d’en rajouter. Nous comprenons aisément que la royauté de Jésus n’est pas de cette ordre là… Pas du tout ! Alors « qui est-ce roi de gloire ? »
Le week-end dernier, ayant eu l’honneur de rencontrer, avec les jeunes de la MCdF, le vice-amiral – préfet maritime de Brest et sentant un homme qui avait l’habitude du commandement, je lui ai demandé quelles étaient les qualités d’un chef ? Il m’a répondu trois choses :
-Il Il doit être
exemplaire
- Il est c'est à dire qu'il doit incarner sa fonction
- Il entraîne ses hommes vers le but.
Cela me semble plus compatible et intéressant pour comprendre le Christ Roi.
Mais surtout attachons-nous à ce que dit l’Écriture ?
Dans le livre de Samuel, nous avons une explication simple de ce titre : Jésus est de la lignée de David, le grand roi. Toutes les tribus d’Israël, jalouse de leurs voisins qui avaient un roi, ont demandé un roi à Dieu. Il y eut Saül « dans le passé » puis le grand roi David. Notez que le peuple demande un roi, et le Seigneur dit : « Tu seras le berger d’Israël, tu seras le chef d’Israël. » Le peuple veut un roi… et Dieu donne un berger. On pourrait de cela tirer de nombreux enseignements. Le berger, c’est celui qui rassemble son troupeau, veille sur lui et le guide vers « des près d’herbe fraîche… et les eaux tranquilles ». Le pasteur n’est pas forcément en avant du troupeau. Mais plutôt avec lui, à ses côtés. Il l’observe et le dirige dans la bonne direction. Quand ils sont dans les estives, le berger ne quitte pas son troupeau et veille sur lui jour et nuit. Il est au service de ceux qui lui sont confiés… dont souvent il n’est pas le propriétaire d’ailleurs. Jésus dit à ses disciples : « Vous le savez : les chefs des nations (les) commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir.26 Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ;27 et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. 28 Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Mt 20, 25-28. Avec ce roi serviteur nous avons un peu la notion d’exemplarité évoquée plus haut. En tout cas, c’est un exemple pour nous. Lorsque Jésus lave les pieds de ses disciples, rôle assigné au plus vil des serviteurs, il nous le dit. Ce que je fais, c’est pour que vous le fassiez-vous aussi. Pas étonnant alors qu’on le retrouve sur la croix entouré de 2 malfaiteurs ; et non pas de hauts dignitaires qui l’avaient tous rejeté.
Notre Dieu roi est un roi humble. Qui n’hésite pas à prendre la dernière place. Son entrée triomphale à Jérusalem s’est faite sur un ânon ! Dans les temps troublés qui sont les nôtres, notamment pour notre Église, permettez-moi d’insister là-dessus. Les maux les plus douloureux qui nous affligent sont souvent dus à un manque d’humilité. Lorsqu’un clerc se croit tout puissant. Pour la bonne cause bien sûr. Pour sauver des âmes… Mais à quel prix ? Méfions-nous des gloires humaines. Des statues érigées trop vite ou trop tôt. Il y a grand risque qu’un jour, elles nous tombent dessus ! Si l’Église nous propose aujourd’hui de prier avec le Christ roi, c’est aussi pour nous rappeler qu’il n’y a qu’un seul vrai roi, « En lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. »
Le Bon Pasteur lui guide son troupeau. Mais vers où nous emmène-t ’il ? Vers son Royaume bien sûr, et afin que nous pussions chanter devant les portes de Jérusalem « maintenant notre marche prends fin ». Le Christ guide son peuple vers la Croix, à traverser les ravins de la mort. Car voilà bien le sens de ce roi crucifié. Alors qu’il n’a plus rien, qu’il ne peut plus rien, qu’il n’est plus rien, il nous guide même dans les tréfonds de la mort, « nous arrachant au pouvoir des ténèbres ». Là encore notez le glissement de langage, la précision apportée par Jésus et relevée par l’évangéliste. Au bon larron qui lui demande : « souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » ; Jésus répond : « avec moi, tu seras dans le Paradis ». Autrement dit, si tu n’as pas encore compris : je ne suis pas un roi à la manière du monde, pas un roi qui vient même vous délivrer du joug romain. Mais mon Royaume, le Royaume de Dieu, c’est le Paradis. Mon Royaume n’est pas de ce monde dit Jésus. « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. »
Car oui enfin, Sœurs et Frères, ce roi nous entraine avec lui et nous fait partager sa royauté. Par le baptême, nous sommes faits nous aussi prêtre, prophète et roi. Et selon l’admirable formule de Saint Paul : « Frères, rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière (…) il nous a placé dans le Royaume de son Fils bien-aimé. » Cet héritage inestimable, beaucoup mieux que les joyaux de la reine volés au Louvre, c’est l’amour de Dieu. Notre Dieu, notre Roi est un roi qui sans se lasser et malgré toutes nos infidélités, nos faiblesses et nos trahisons établit une relation d’amour avec son peuple pour le guider vers son Royaume de Paix.
Avec le bon larron, il nous est donné dans l’Espérance de siéger à la droite de Dieu. Alors nous aussi, nous devons cultiver chaque jour les qualités royales : l’humilité et l’exemplarité, l’attention aux autres et particulièrement aux plus humbles, la confiance dans la route à suivre à sa suite aussi difficile soit-elle car c’est un chemin de bonheur et de paix.
Amen.


