Homélie 7é dimanche du T.O. Année B

« Qu’est qui est le plus facile ? De dire au paralysé : « tes péchés sont pardonnés » ou bien de dire « lève-toi, prends ton brancard et marche ? » Si c’était à nous que Jésus avait posé cette question, frères et sœurs, qu’aurions-nous répondus ? Sans doute comme ce qui devait traverser l’esprit de la foule présente à Capharnaüm : faire marcher ce paralysé ! Oui, car voilà un acte extraordinaire, qui sort de l’ordinaire, du l’habituel. Beaucoup plus impressionnant que le pardon des péchés qui reste une démarche très intérieure.

Et pourtant Jésus nous le rappelle aujourd’hui : méfiez-vous de ce que vous voyez, de ce que vous entendez. La marque divine, ce qui fait de Jésus l’être étonnant par excellence, ce n’est pas de faire marcher les infirmes, de redonner la vue aux aveugles ou l’ouïe aux sourds. Tout cela, à une époque où la médecine n’existait quasiment pas, en tout cas pour le peuple, d’autres le faisaient aussi. Non, la marque divine est dans le pardon des péchés, la miséricorde accordée sans limite et sans mesure par Dieu. Mais cela n’est pas spectaculaire. Cela se voit si peu… Encore que comme confesseur, il m’arrive de voir des visages transformés par le pardon, des jeunes qui se relèvent presque physiquement une fois reçue l’absolution, une fois entendue la parole divine du pardon.

Avec les textes de ce dimanche, je voudrais nous inviter à vivre notre foi dans l’ordinaire, à ne pas chercher sans cesse l’extraordinaire comme le voulait sans doute une bonne partie de ceux qui suivaient Jésus. Nous aimerions bien que Dieu vienne miraculeusement guérir ceux que nous aimons qui sont malades. Nous savons que Dieu en est encore capable aujourd’hui en ces jours où nous avons fêté Notre Dame de Lourdes et Sainte Bernadette. Mais nous savons aussi que cela reste extraordinaire. Possible mais extraordinaire. Doit-on cesser de croire pour autant ? Evidemment non. Nous devons apprendre à vivre l’ordinaire de la foi avec un Dieu qui se dit non pas dans les orages ou les tempêtes mais dans la discrétion d’une brise légère. 

Car Dieu s’il ne fait donc pas de grands miracles tous les jours, il n’en est pas moins présent dans nos vies. C’est bien tout le sens de cette année de l’Esprit Saint que nous sommes invités à vivre dans notre diocèse cette année. Essayez ensemble, en Eglise, de discerner, de repérer l’action de l’Esprit Saint dans nos vies. Je connais une famille qui a une belle tradition pour cela. Tous les soirs, à l’issue du repas réunissant parents et enfants, chacun est invité, s’il le veut, à dire sa « grâce du jour » ; à remercier le Seigneur pour une chose de bon, une rencontre joyeuse, qui lui est arrivé dans la journée. C’est un moment très simple qui oblige à trouver la trace de Dieu dans le fil de nos jours, dans notre quotidien. Cette action de grâce quotidienne peut aussi habiter notre prière du soir avant de s’endormir. Merci Seigneur pour ce moment en famille. Merci pour ce beau paysage. Merci pour cette nourriture que tu nous donnes.

Parmi les choses simples de la foi, nous avons perdu cette belle habitude du bénédicité avant le repas. Quelques mots pour nous remettre dans une juste attitude vis-à-vis de ce qui nous fait vivre et qui nous est donné. Quelques mots pour bénir le Seigneur de ce pain quotidien. Pour nous redire, comme Saint Paul, que « Celui qui nous rends solides pour le Christ, c’est Dieu. Et il nous a fait une première avance sur ses dons : l’Esprit qui habite nos cœurs.» Encore faut-il s’en rendre compte de temps en temps et en rendre compte.

Parmi les choses simples de la vie chrétienne, Saint Paul d’ailleurs en souligne une autre. « Aussi est-ce par le Christ que nous disons « amen », notre « oui » pour la gloire de Dieu. » écrit-il aux Corinthiens. Durant cette messe, pendant nos prières communautaires ou personnelles, nous redisons souvent « amen ». C’est peut être devenu comme un réflexe. Si je dis « par Jésus le Christ notre Seigneur » avec un peu de conviction, certains vont peut être répondre « amen ! » sans y réfléchir… C’est bien. Mais peut être faut-il nous rappeler que « amen » veut dire « oui ». Oui au  Seigneur. Notre « amen » doit venir du cœur. C’est le « oui » d’une alliance, comme le « oui » que prononcent les mariés souvent avec beaucoup d’émotion. La liturgie nous invite parfois à mettre en valeur notre « amen » en le chantant de manière solennelle. Et parfois il est plus personnel mais tout aussi important. Ainsi, j’attache beaucoup d’importance à l’amen de la communion. Lorsque je reçois le pain, le corps du Christ, je suis invité à faire un acte de foi profond en disant amen ; oui Seigneur, je suis d’accord pour te recevoir, pour que tu fasses ta demeure en moi, amen, oui, Seigneur, je crois que tu es présent dans cette eucharistie, dans ce morceau de pain partagé, amen, oui, Seigneur, je veux devenir ce que je reçois, le Corps du Christ. Ainsi, si nous pouvions aujourd’hui être un peu plus attentifs à nos « amen» et particulièrement à bien dire, avec conviction et profondeur, « amen » lorsque nous recevrons l’hostie, lorsque nous communierons tout à l’heure.

J’ajoute une autre proposition toute simple, elle aussi. Cette fois-ci, il s’agit d’un geste et non plus une parole. Un geste qui a inauguré notre messe, comme la plupart de nos temps de prière. Le geste de reconnaissance, de famille des chrétiens : le signe de la croix. Là encore, nous le faisons parfois par habitude, sans y penser pourrait-on dire. Ce n’est pas grave. Au contraire, c’est bon signe. Cela veut dire qu’il fait partie de notre patrimoine, de nos bons reflexes chrétiens. Nous nous revêtons du Père, du Fils, de l’Esprit, comme cela a été fait par le prêtre sur notre front au jour de notre baptême. Seulement, il y a peut être une bonne manière de faire ce signe de croix, sans précipitation et avec un peu d’amplitude. Faire un simple signe de croix est déjà une prière qui nous associe au Christ, à sa Passion et à sa Résurrection.

Frères et Sœurs,
Dans quelques jours maintenant, nous allons entrer dans le temps du Carême. Ce n’est pas un temps de tristesse. Mais le temps au désert pour cultiver notre relation à Dieu, pour nous réorienter vers Lui, comme un tournesol qui suit le soleil durant la journée pour vivre. Nous pourrions décider de faire de grandes choses… Mais aussi avec la sagesse de vivre notre foi au quotidien dans la simplicité d’une action de grâce quotidienne, d’amen dit  et de signe de croix fait avec toute la foi de notre cœur. Parole on ne peut plus simple, geste on ne peut plus simple… mais qui petit à petit transfigurent notre monde et nourrissent notre foi. « Voici que je fais un monde nouveau, dit le Seigneur. Ne le voyez-vous pas ? »

Au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit,
Amen !

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