Debout ou à genoux ?




Homélie Epiphanie 2013

Frères et Sœurs,

Lorsque j’étais moniteur de voile, nous aimions faire une petite blague aux jeunes apprentis barreur en leur donnant très sérieusement l’ordre de pousser la barre vers lui. Or si vous réfléchissez c’est un ordre contradictoire car soit il poussait la barre, soit il la ramenait vers lui mais il était impossible de faire les deux en même temps. Cela donnait l’occasion de tester à la fois la qualité du barreur et son sens de l’humour ! 

Je vous raconte cette histoire car c’est un peu ce que nous demande les textes de ce jour : Isaïe dans la première lecture débutait par cette invitation « Debout ! Jérusalem ». St Irénée de Lyon écrivait d’ailleurs au IIé siècle : « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. La vie de l’homme c’est de contempler Dieu » ; que l’on pourrait traduire : la gloire de Dieu : c’est l’homme debout. Et c’est bien pour cela que selon les prières et les parties de la messe, nous sommes souvent debout, une posture qui signifie l’homme en prière devant son Dieu.

Mais dans l’évangile, Saint Matthieu, nous présente l’arrivée des Mages à la crèche, après une longue route ainsi : « ils virent l’enfant avec Marie, sa mère ; et tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. ». Leur réaction d’instinct devant ce bébé dans l’humilité de sa naissance est de se mettre à genoux, reconnaissant ainsi implicitement la présence divine.

Alors que faut-il faire ? Nous mettre à genoux comme les mages ou debout comme St Irénée ? Sans doute, et bien que je ne sois pas normand, ne faut-il pas choisir entre ces deux attitudes de la vie spirituelle, ces deux attitudes du chrétien. L’une, être à genoux, correspond bien au mystère de Noël, de l’abaissement : Comme Dieu qui se fait petit enfant, l’homme s’abaisse devant son sauveur. Ceux qui ont eu la chance d’aller à Bethleem savent que pour pénétrer dans la basilique de la Nativité, il n’y a qu’une toute petite porte, très basse, d’1m20, dite porte de l’humilité qui oblige tout pèlerin, aussi prestigieux soit-il à baisser la tête. Ce geste de se mettre à genoux n’est pas toujours simple à faire. Je connais de jeunes séminaristes à qui il a fallu plusieurs mois avant d’être capable de se mettre à genoux dans la chapelle. Et puisque ce geste a, pendant toute une période, disparu de la liturgie, nous n’y sommes plus très habitués. Quand me suis-je mis à genoux pour la dernière fois ? Dans quelle circonstance ? Il se peut bien sûr que je ne puisse plus le faire pour des raisons de santé. Mais le geste intérieur est encore et toujours possible. Se prosterner devant Jésus le Christ. Reconnaître ainsi ce qu’il est : à la fois vrai Dieu et vrai Homme. Je crois l’avoir déjà fait mais je renouvelle l’invitation. Vous mettre devant la crèche, ici à l’église ou chez vous, à genoux, quelques instants dans le silence de la prière. On peut répéter la petite phrase toute simple de la prière du cœur de nos frères orthodoxes : « Jésus Christ, Fils du Dieu sauveur, aie pitié de moi pécheur » ou une autre qui m’ira mieux. Je crois vraiment qu’il ne faut pas négliger la dimension corporelle de notre vie spirituelle. Se mettre à genoux devant Dieu comme l’on peut se mettre à genoux devant notre frère ou sœur souffrant ou ayant un handicap. Au plus faible de l’humanité se trouve la présence de Dieu. Dans la faiblesse du nouveau-né de Noël, Dieu est là. Dans la mince hostie consacrée, tout à l’heure, Dieu sera là. Dans un monde où l’homme a souvent tendance à se sentir tout-puissant, et donc à se passer de Dieu, il nous faut peut être réapprendre à nous mettre à genoux devant le Christ. Et d’adord tout simplement lorsque nous passons devant le Saint Sacrement dans une église.

Mais nous ne pouvons pas rester éternellement à genoux, bien sûr. Nous avons aussi à être des hommes et des femmes debout. Ce geste est plus manifeste de l’attitude de Pâques, signe de résurrection. D’ailleurs la liturgie antique invitait à limiter le plus possible les génuflexions durant le temps pascal. Et celui qui veut annoncer la Bonne Nouvelle ne peut rester assis. Les mages d’ailleurs, ayant offerts leurs présents, repartent vers leurs pays, par un autre chemin, précise l’évangéliste. Ainsi par nos gestes, nous sommes invités à avoir à chaque instant la bonne attitude devant Dieu. Saint Ignace de Loyola, grand maître spirituel, invite à prier dans la position la plus favorable pour celui qui se livre aux exercices spirituels. Ce qui serait nuisible, me semble t-il, c’est d’abuser d’une seule position : se sentir toujours au dessous comme se sentir toujours au dessus ne paraît pas très juste. Avoir à la fois une belle humilité et en même temps reconnaître en nous le chef d’œuvre de la grâce de Dieu, voilà ce que nous devons savoir faire. Puissent les mages être nos maîtres aujourd’hui, et à leur suite allons nous présenter à Jésus, lui offrirent notre vie, ce don précieux qu’il nous a fait.

Permettez moi de finir avec la magnifique prière de Charles de Foucauld. Lorsque j’étais à la Maison Charles de Foucauld, nous l’avons mis en musique. Je vais donc vous la chantez.

Mon Père,

Je m'abandonne à toi,
fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi,
je te remercie.
Je suis prêt à tout, j'accepte tout.
Pourvu que ta volonté
se fasse en moi, en toutes tes créatures,
je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
avec tout l'amour de mon cœur,
parce que je t'aime,
et que ce m'est un besoin d'amour
de me donner,
de me remettre entre tes mains, sans mesure,
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.

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