Homélie de la Messe des Familles et des Amis 2025

Samedi de la 34é semaine du temps ordinaire C

 

Lecture Dn 7, 15-27

Cantique Dn 3, 82, 83, 84, 85, 86, 87)

Évangile Lc 21, 34-36

« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver »

 

Être un homme debout !

 

Le 14 octobre dernier à Rome, la reine Rania de Jordanie, élégamment vêtue d’une robe noire, s’approche de Léon XIV pour la photo d’usage, à l’issue d’une audience privée accordée par le pape au roi Abdallah et à son épouse. Sans se départir de son sourire, Rania interroge le pape : « Votre Sainteté, est-ce bien sûr de se rendre au Liban ? » Surpris, le chef de l’Église catholique répond calmement, tout en continuant à regarder les photographes : « Eh bien, nous y allons ! ».

 

Devant les soubresauts chaotiques de notre monde (guerres, dérèglement climatique, violence, incertitude politique et économique,) il est bien des raisons d’avoir peur et même d’être abattus. Depuis quelques jours, dans la liturgie, nous entendons les songes de Daniel. Il savait lire et interpréter les visions les plus étonnantes. Et pourtant même lui reconnait : « Moi, Daniel, j’avais l’esprit angoissé, car les visions que j’avais me bouleversaient. »

 

Aujourd’hui, cette société anxiogène dans laquelle nous vivons nous impacte. Souvent au plus intime de nous-même. 41 % des Français déclarent avoir été déjà affectés par un problème de santé mentale au cours de leur vie (dépression, burn-out, pensées suicidaires…) selon le sondage de septembre 2024. Et ces problèmes touchent particulièrement les jeunes. Nous connaissons sans doute tous, proche de nous, des femmes, des hommes abattus. Une personne victime d’un burn-out expliquait qu’elle ne pouvait littéralement plus se lever de son lit le matin. C’est le signe d’un malaise grave. « Les soucis de la vie, (peuvent) tomber sur vous à l’improviste comme un filet » prévient Jésus dans l’Évangile de ce jour.  Alors même notre cœur peut être alourdi. 

 

 

 

Or nous sommes faits pour être debout ! Vivant ! C’est ce que dit encore Jésus dans le passage d’Évangile de ce jour : « Ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » La preuve en est que la première victoire du jeune bébé, après la parole, c’est de faire ses premiers pas. Sous le regard ébahi des parents qui sont alors tout fiers de dire autour d’eux : « ca y est, il marche ! ». De même, il semble qu’avoir trouvé des fossiles présentant un homme debout validant ainsi le passage du singe à l’homme, avec l’homo erectus, fut une grande découverte dans l’évolution. Il y a donc quelque chose de plus humain à être debout. D’ailleurs, la liturgie le reconnait puisqu’elle recommande après la grande fête de Pâques célébrant la résurrection du Christ de ne pas se mettre à genoux à la messe, de rester debout en signe de vie : « la gloire de Dieu : c’est l’homme debout et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » s’exclamait Saint Irenée de Lyon.

 

Cet adage correspond bien d’ailleurs au projet de la Maison Charles de Foucauld où sont accueilli ces 18 jeunes hommes, membres de vos familles ou vos amis. Nous voulons leur donner les moyens d’être des hommes debout dans ce monde. Capables de faire des choix qui engagent ; que ce soit celui de devenir prêtre ou consacré comme de rester dans le monde au travail et de fonder une famille. Voilà bien ce que nous souhaitons dans cette année de fondation spirituelle et humaine. Pour tenir debout dans les tempêtes de la vie et du monde, il faut d’abord et avant tout être bien enracinés. Savoir d’où l’on vient et ce qui fait le socle de notre vie, ses fondations. Soyez d’ailleurs tous rassurés, nous avons une bonne base : nous sommes ici en Bretagne sur un sous-sol granitique, solide et ayant braver les siècles. Construire sa vie sur le roc donc. Et ce roc, c’est le Christ. Celui qui dans la plus grande des déchéances, à l’heure de sa mort sur la Croix, est encore debout.

 

Quelques lignes plus haut dans l’Évangile, Jésus invite à relever la tête. Un bon conseil que le pape François évoquait en mettant en garde contre le danger de l’auto-référentialité. Autrement dit de trop se regarder le nombril. Comment « avoir la force d’échapper à tout ce qui va arriver » ? Se tenir debout, lever les yeux vers les autres et vers Dieu. Deux éléments donc peuvent nous aider à ne pas tomber dans ce travers : la vie communautaire et la prière. Ce que Jésus résume : « restez éveillés et priez sans cesse. »

 

 

 

Restez éveillés.

Vivre à 20 en communauté avec des gens que l’on n’a pas choisis peut être à la fois une formidable aventure d’une grande richesse et en même temps un peu rude. Que l’on soit Petites Sœurs des Pauvres ou à Charles de Foucauld, chacun pourrait en témoigner. Mais la communauté est aussi un lieu où l’on se soutient les uns les autres, où on s’aide à rester debout quand le bateau tangue et où la force du collectif peut nous faire aller loin. La présence de l’autre, différent, est aussi une aide pour me découvrir moi-même et finalement grandir.

 

Priez sans cesse.

Enfin, il s’agit de se tenir debout devant le Fils de l’homme, précise Jésus. Être pleinement homme devant celui qui est pleinement homme et Dieu et qui nous entraine à sa suite. C’est la force de la prière. Celle qui nous réunit dans la chapelle plusieurs fois par jour. Comme celle que l’on fait en silence dans le secret de sa chambre. Ces moments où je reconnais qui je suis devant Celui qui Est ; où je me reçois comme Fils bien aimé du Père du ciel ; où je lève les yeux vers mon Créateur. « Père, je m’abandonne à Toi (…) avec une infinie confiance car Tu es mon Père. » écrit Saint Charles de Foucauld dans une admirable méditation.

 

Pour faire un homme mon Dieu que c’est long… chante un refrain scout. Les jardiniers savent bien qu’on ne tire pas sur les poireaux pour les faire pousser. Demain nous entrons dans le temps de l’Avent. Quelques semaines justement pour faire grandir en nous l’Homme nouveau, le croyant, nourris par l’Écriture Sainte et les sacrements. Au terme de cette période, nous serons invités à contempler notre Sauveur dans un tout petit enfant… qui n’attends qu’une chose : grandir… et nous faire grandir, nous remettre debout avec Lui, nous entrainer à sa suite. Alors de quoi aurions-nous peur ?

 

Samedi prochain à Paris, la cathédrale Notre-Dame de Paris accueillera un événement mémorable : la béatification de 50 martyrs français, religieux, séminaristes et fidèles laïcs, morts victimes de la haine de la foi pendant la Seconde Guerre mondiale (1944-1945) sous le régime nazi. Avec le Bx Marcel Callo de notre diocèse, ils sont d’admirables témoins (c’est le sens du mot martyr) de ceux qui sont restés debout devant leur bourreau grâce à la force de leur foi. Jamais ils n’ont plié parce qu’ils savaient que le Christ était debout avec eux, même au pire moment.

 

En ces jours, le Pape Léon XIV effectue son premier voyage apostolique en Turquie et au Liban. Notamment en ce lieu où a été proclamé il y a 1700 ans ce qui est aujourd’hui notre Credo, notre profession de foi à Nicée. Je vous propose ensemble dans quelques instants de le redire avec force et en communion avec notre Saint Père le Pape. Une manière d’affirmer ensemble que notre foi en Dieu, Père, Fils et Esprit nous aide à nous tenir debout, à être des femmes, des hommes pleinement hommes qui laissent Dieu être pleinement Dieu.

 

Amen !

 

 

 

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