Tous se comprenaient.
Homélie Pentecôte 2013
Ce week-end : c’est bien sûr la fête de la
Pentecôte, qui nous vaut la joie d’avoir un jour férié en plus ! Mais dans
notre ville de Saint Malo se vit aussi un grand événement culturel qui pourra
avoir un certain rapport avec elle : le Festival Etonnants Voyageurs. Je
m’explique. Mais d’abord : à tout seigneur, tout honneur, je dois
remercier M. le Maire qui, dans son discours d’ouverture du Festival m’a donné
l’idée d’ouverture de cette homélie. Vous voyez que l’Esprit Saint est capable
de rapprochements assez étonnants ! Ainsi a t-il évoqué les différentes
affiches qui depuis 24 ans annoncent ce Festival qui rassemble des écrivains du
monde entier. Je voudrai ici évoquer celle qui avait été choisi en 2007.
Rappelez-vous. Il s’agissait d’une reproduction d’un tableau de Peter Brueghel
l’Ancien bien connu : la Tour de Babel. Les communicants avaient repris ce
mythe biblique de la Genèse qui voit tous les peuples se rassembler pour
édifier une tour qui touche le ciel grâce à une langue commune. Mais Dieu va
mettre fin à cette entreprise orgueilleuse des hommes, qui veulent surtout
ainsi montrer leur indépendance, voir leur supériorité par rapport à Dieu. Il
va brouiller leur langage. Ils ne se comprendront donc plus et la tour n’ira
jamais à son terme. Les peuples seront alors dispersés sur toute la terre.
Ce tableau est particulièrement intéressant car
il nous permet de comprendre ce qu’est la Pentecôte, la fête qui nous rassemble
ce matin. La Pentecôte : c’est l’anti-Babel. Autour de Jésus, il se passe
exactement le contraire. Des hommes et des femmes de toute la région se sont
rassemblés autour de Jésus, et par le don de l’Esprit Saint, tous vont se
comprendre. « Parthes, Mèdes et
Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des
bords de la mer Noire, de la province d'Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie,
de l'Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de
naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer
dans nos langues les merveilles de Dieu. » La grande différence avec
Babel, c’est bien sûr, qu’au lieu de se diviser, les hommes ayant reconnu en
Jésus leur Sauveur, vont tous se comprendre. Mais pas en parlant une seule
langue unique, la même langue pour tous, ce rêve qu’ont fait certains dans
l’Espéranto mais qui n’a jamais pris. Non, ils vont parler chacun dans leurs
langues… et se comprendre. Babel était un défi à Dieu. Une manière de lui
montrer qu’on n’a pas besoin de lui, de l’expulser hors de la sphère des
hommes. Alors l’unité humaine en est brisée. La Pentecôte est le contraire. Par
la venue du Christ, des hommes et des femmes ont compris que Dieu n’est pas un
concurrent pour l’homme mais qu’il est une force intérieure qui refait en nous
et autour de nous l’unité. Pour qui accepte le souffle de l’Esprit, le souffle
de Dieu, alors l’unité se crée.
Et les textes de ce jour en témoignent en deux
sens.
D’abord l’unité se crée en chacun de nous, en
nos cœurs, au plus profond de notre être car Dieu lui-même vient y demeurer.
Nous sommes le « temple de l’Esprit », « tous remplis de
l’Esprit Saint » ou « l’Esprit habite en vous » lisons-nous. C’est
là que se crée vraiment notre unité, en Dieu présent à notre cœur qui révèle le
meilleur de nous-même, de ce que nous sommes en vérité. Tout autour, il peut y
avoir une « couche moche » parfois fort épaisse avec le temps. Mais
le cœur est toujours empli de la tendresse de Dieu. Un peu comme les
M&Ms : ça craque dessus mais c’est fondant dedans. L’Esprit Saint nous
invite à la paix, la joie du cœur. « En
tout la paix du cœur, la joie sereine » aime t-on chanter à Taizé.
Ouvrons nos cœurs au souffle de l’Esprit qui vient sans cesse les récréer.
Hier, les 45 enfants qui se préparent à la 1ère des Communions ont
vécu le sacrement du Pardon dans la simplicité et avec beaucoup de sérieux. Il
y en a même qui sont venus me voir en me disant qu’il n’avait pas de péché !
C’est rassurant. Le Royaume ressemble à un cœur d’enfant !
Dieu crée aussi l’unité autour de nous, entre
les hommes de bonne volonté. C’est l’expérience de la Pentecôte : cette
expérience vécue par les disciples. Mais cette expérience aussi vécue par notre
diocèse l’année dernière. Rappelez-vous : nous étions 23 000 réunis au
stade de la route de Lorient autour du Christ. C’est encore l’expérience vécue
par les chrétiens de notre doyenné le 14 avril dernier à Keriadenn. Un monsieur
m’a raconté il y a quelques jours qu’il n’avait pas envie d’y aller, qu’il
l’a fait en trainant les pieds. Mais qu’il en est revenu enchanté. Et souhaite
que cela se refasse. Pourquoi ? Parce que nous avons vécu notre petite
Pentecôte là. Malgré nos différences, nous avons réussi à nous comprendre. Non
pas en gommant ces différences mais en restant unis dans nos diversités
assumées. Quelle belle image, quel bel exemple il y a là pour le monde ! Si
nous acceptons de vivre pleinement cette fraternité, nous pourrons de grandes
choses. Le monde en sera transformé. La Paix gagnera. Vous savez peut être qu’à
l’origine de la belle idée de l’Europe, qui est si mal en point aujourd’hui, il
y a de grands esprits chrétiens : Jean Monnet, Schuman, Adenauer. Ne
jouons pas sans cesse les modestes. La foi équilibrée des chrétiens peut faire
tomber les murs paraissant les plus solides. Pensons aussi à l’action de
Jean-Paul II pour le rapprochement de l’Est et de l’Ouest de l’Europe. Elle est
indéniablement reconnue aujourd’hui par les historiens.
Frères et Sœurs,
L’esprit ne fait pas de nous des esclaves… nous
ne sommes plus sous l’emprise de la chair, écrit Saint Paul, sous l’emprise d’aucun
esclavage. Nous sommes des femmes et des hommes libres, qui n’ont plus
peur ! Accueillons pleinement l’Esprit Saint. Ouvrons nos cœurs, nos vies
à son œuvre, à son action. Qu’il agisse en nous, au plus profond de nous. Qu’il
agisse par nous en notre monde !
Amen !