Regarder devant !
Homélie 7é dimanche de Pâques - C
« Etienne
(…) rempli de l’Esprit Saint, regardait vers le ciel ; il vit la gloire de
Dieu ». « Moi, Jean, j’ai
entendu une voix qui me disait : « voici, je viens sans tarder ».
« Jésus, les yeux levés au ciel,
priait ainsi ». Il peut être intéressant de relever comme je viens de
le faire que les acteurs des 3 textes de ce dimanche concentrent leur regard ou
leur audition vers Dieu ou vers le Ciel, le lieu de représentation traditionnel
de Dieu. J’ai dit jeudi, lors de la fête de l’Ascension, qu’il est profondément
réducteur et caricatural de ne voir Dieu que dans le ciel. Même après
l’Ascension, par l’envoi de son Esprit, Dieu reste éminemment présent parmi
nous. Je n’y reviens pas. Mais je voudrai justement peut être compléter mon
homélie de jeudi. Nous inviter à garder les pieds bien sur terre mais à avoir
pour ainsi dire la tête dans les nuages. La sagesse berbère, je crois, le dit
autrement dans un beau proverbe : « si tu veux tracer un sillon droit, accroche ta charrue à une étoile ».
Avec Etienne, le martyr, Saint Jean, l’Evangéliste et à l’imitation de Jésus,
je voudrai que nous levions nous aussi un peu les yeux et essayons de regarder
devant, de regarder demain. Après l’Ascension, les apôtres ont du faire ce travail
intérieur de projection, de marche en avant. Avec le départ de Jésus le Christ,
rien ne pourrait plus être vraiment comme avant. Plus moyen de renouveler les
schémas anciens, d’avancer sur son erre comme l’on dit en marine, de compter
sur les habitudes prises et la routine. Il leur a fallu innover, inventer. Nous
en avons entendu le récit durant tout le temps pascal avec la lecture des Actes
des Apôtres qui nous montrent la communauté chrétienne naissante se constituer
non sans débats et difficultés. Notamment dans un contexte souvent peu
favorable à son accueil. Le martyre d’Etienne en est un exemple frappant. Justement,
face à ses accusateurs, au moment où Etienne aurait pu s’enfermer sur lui-même
pour se protéger, l’Esprit Saint tourne son regard vers Dieu et Jésus dans sa
gloire. Par là, Etienne semble nous dire : « ne vous arrêtez pas à ma mort, aussi atroce
soit-elle. Elle ne ferme rien. Au contraire, elle ouvre sur un avenir qui vous
est confié. » L’auteur des Actes insiste par une allusion discrète qui
pourrait passer inaperçue : « les
témoins avaient mis leur vêtements au pied d’un jeune homme appelé Saul ».
On dirait un peu un passage de témoin. Même si Saul est encore du côté des
persécuteurs. Pour nous, là encore, invitation à voir plus loin. Saul, celui
qui a persécuté les chrétiens est devenu Paul, le héraut de l’Evangile.
Essayons donc de porter notre regard de foi au
loin, un peu plus loin que le bout de nos pieds. C’est toujours plus facile
pour avancer. Un de nos paroissiens est parti ce jour sur les chemins de
Compostelle pour plusieurs semaines. Il pourrait bien nous dire, à son retour,
comme il est utile pour le marcheur de savoir regarder à la fois si le chemin
sur lequel on s’engage n’a pas de danger immédiat (une pierre discrète, un léger
dénivelé, que sais-je…) mais aussi avoir les yeux sur les signes de route à
venir (en bateau on parlerait des amers) et la carte. Essayons de traduire cela
pour notre vie chrétienne.
Je vais commencer par le regard au plus loin.
Les fêtes de ces jours nous y invitent, même si ce n’est sans doute pas notre
penchant naturel. En effet, Etienne a la chance de voir Jésus dans sa gloire.
Cette vision anticipe ce qui nous est tous promis : voir Dieu face à face.
Non seulement à l’heure de notre mort. Mais plus loin encore à l’heure du
Retour glorieux du Christ que nous attendons tous. Voilà la fenêtre que je
voudrais ouvrir avec vous. Depuis l’Ascension et la Pentecôte, les premiers
chrétiens comme nous sommes tous dans cette attente de la venue de notre Seigneur.
Si nous croyons fermement qu’Il est venu, nous croyons aussi qu’Il reviendra
« dans la gloire pour juger les
vivants et les morts. Et son règne n’aura pas de fin ». Cela ne doit
pas nous faire craindre quoi que ce soit. Mais avoir la confiance d’Etienne qui
offre sa vie presque paisiblement alors qu’on le lapidait et demande pardon
pour ses propres bourreaux. Quelle confiance ! Quelle espérance en cet
au-delà ! A la fin des célébrations d’obsèques, je dis cette phrase avant
la bénédiction du corps : « tous
nous croyons et nous espérons qu’un jour ensemble nous ressusciterons ».
C’est à chaque fois pour moi un acte de foi que de le dire et de penser à cette
rencontre dont nul ne sait ni le jour ni l’heure. « L’Esprit et l’Epouse disent : Viens ! Et celui qui témoigne
de tout cela déclare : « oui, je viens sans tarder »
Amen ! Viens Seigneur Jésus !
Vous allez me dire que je vous porte là un peu
loin. Certes. Mais ayant fait ce pas de côté, indispensable pour nous donner un
horizon, il faut bien sûr se dire comme les premiers chrétiens : et en attendant : qu’est-ce qu’on
fait ? Vous savez qu’à cette question, certains ont mal répondu.
Pensant que le Retour était imminent (2000 ans
plus tard, notre bon Einstein aurait dit tout est relatif !), ils
avaient cessé toute activité, se consacrant uniquement à l’attente du Christ.
Mauvaise idée. Notre attente doit être active, vivante ! L’indication
claire que donne Jésus dans son dernier discours est celle de l’unité. Que les
disciples du Christ soient « un comme
nous sommes un : moi en eux et toi en moi. Que leur unité soit parfaite. » Il ne s’agit pas d’une demande
légère, soit dit en passant ! Il s’agit de perfection. Et n’objectez pas
trop vite qu’elle n’est pas de ce monde car c’est Jésus qui l’a demandée. Donc
nous devons nous y mettre sans tarder et travailler sans cesse à l’unité. Ne
soyons pas pessimistes ou défaitistes. Qui rassemble ce matin dans un même lieu
une diversité comme la nôtre ? Je ne vois pas vraiment… Nous pouvons donc
nous réjouir de ce qui est fait et réalisé. Mais comme nous marchons vers la
perfection, nous ne pouvons nous en contenter connaissant nos limites. Le
rassemblement Diaconia qui vient de se terminer à Lourdes avait comme
slogan : « Servons la Fraternité ! ». L’impératif de l’Amour
ne se vit que dans la fraternité, ce service de la Fraternité, c’est à dire la
capacité à reconnaître dans tout autre et notamment les plus faibles un homme,
une femme à aimer car aimé de Dieu. « C’est
un exemple que je vous ai donné, dit Jésus, ce que j’ai fait pour vous
faites-le vous aussi. ».
Chers amis, notre programme est clair. Pour
aujourd’hui, pour demain, pour après-demain. Travaillons sans cesse à cette
unité qui sera un signe, « l’étoile
resplendissante du matin » « pour
que le monde croie que tu m’as envoyé. »
Amen !