Laissons-nous aimer !

Homélie 4é dimanche de l’Avent

Durant ces derniers jours de l’année, j’ai la joie de rencontrer plusieurs couples de jeunes fiancés et même de vivre cela dans la prière au cours d’une célébration : Vincent et Elise, Aude et Patrick ou Hortense et Benoit. Oui, c’est vraiment une grande joie d’accompagner ces bonheurs naissants, ces espérances radieuses d’une vie de couple et de famille. A ce stade, tout semble leur sourire. Tout semble simple : et tant mieux ! Et pourtant si lorsque Benoit vient de déclarer sa flamme à Hortense et son désir qu’ils se marient, celle-ci lui annonçait qu’elle est déjà enceinte… par l’action de l’Esprit Saint ! Essayer un instant d’imaginer le trouble de ces deux jeunes gens ! Et là deux solutions : soit on arrête tout, soit on poursuit…dans la confiance. Voilà bien le dilemme de Joseph et de Marie qui est repris dans l’Evangile de ce dimanche, de ce dernier dimanche avant Noël. Ne minimisons pas les questions qui ont été celles de ce couple et que l’Evangéliste rapporte. Marie : « Mais comment cela va t-il se faire ? ». Joseph avait décidé de répudier Marie en secret. L’irruption de cet enfant dans leur vie les déroute et remet en cause leur beau projet. Pour cela Joseph est admirable. Cet homme juste est d’une grande discrétion dans l’évangile. On en parle finalement très peu. Mais c’est bien le signe qu’il s’est laissé finalement faire par Dieu. Tout comme Marie, il a accepté ce changement fondamental de destin. Il a accepté de ne pas suivre le chemin tracé par la tradition. L’arrivée de l’enfant Jésus, en tout point extraordinaire, remet profondément en cause leur projet de vie. Mais ayant entendu l’ange de Dieu résonnant avec la parole des Prophètes, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse… et cet enfant qui venait de Dieu. Quelle belle leçon de foi, de confiance en Dieu.

A quelques heures de Noël, nous sommes nous aussi questionnés : allons-nous accepter d’accueillir Jésus le Christ qui vient naitre en nous, qui veut en nous faire sa demeure ? Comme vous êtes de bons chrétiens, ayant qui plus est le sens de l’accueil, vous allez, un peu instinctivement me répondre : oui ! Mais attention, frères et sœurs. Le Pape François l’a clairement dit aux jeunes réunis à Rio l’été dernier : le Christ ne vient pas apporter un bonheur bien confortable et tranquille. Il vient apporter la pagaille ! D’ailleurs, il a apporté la pagaille dans la vie de Marie et de Joseph dès avant sa naissance. Or nous n’aimons pas la pagaille… Nous avons peur de la pagaille… Et c’est vrai que ce n’est sans doute pas un idéal de vie. Mais je crois qu’il y a une sainte pagaille. Jésus vient nous rappeler l’essentiel. Sa venue en ce monde nous réveille et remet les choses à l’endroit. Parce qu’il aime Marie et qu’il fait confiance en Dieu dans la Foi, Joseph accepte d’aller au delà des lois de la religion de ses Pères et de leurs traditions. Marie dit alors « Voici la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi selon ta Parole ». Ensemble, ils osent croire à l’impossible de Dieu.

Notre foi ose-t-elle croire à l’impossible de Dieu ? A un Dieu qui rends fertile ce qui est stérile comme pour Elisabeth ? Qui transforme les cœurs les plus endurcis et accueille dans son Paradis le malfaiteur crucifié à côté de Jésus, le Bon Larron. Accueillir le Christ dans sa vie la transforme et la rends meilleure. Mais il faut accepter le danger que cela nous fait courir. Je pense ici à cette jeune femme qui avait commencé un parcours vers le baptême et qui, au bout d’un an, s’est arrêtée sur la route car les exigences d’une vie chrétienne était alors trop fortes pour elle. Je pense aussi à tous ces chrétiens du bord de la piscine… Ils tournent autour avec envie, mettent éventuellement un doigt de pied dans l’eau pour voir la température de l’eau… Mais hésitent à plonger. En disant cela, je ne fais qu’un constat. Et je voudrais surtout les inviter à plonger dans le bain de la Foi en osant la rencontre avec le Christ qui transforme, en osant dire « oui » au Dieu qui vient.


Frères et Sœurs,
Dans quelques heures presque, nous allons fêter Noël. Nous sommes invités à redire ensemble « oui » à Jésus, le Seigneur sauve. Oui à l’Emmanuel, Dieu avec nous. Oui à l’inattendu de Dieu qui fait toutes choses nouvelles. Nous avons bien raison de tout préparer pour une grande fête, nos maisons, nos tables… Mais acceptons de laisser aussi une place à l’inconnu. Si le cousin perdu de vue depuis des années vient sonner le 24 déc. à 22h : qu’allons-nous faire ? Et ce soir-là, nous accueillerons mieux que notre cousin de loin. Nous accueillerons le Christ, Dieu fait homme.

Je voudrai conclure avec les mots de Madeleine Delbrel, femme de foi et d’action à Ivry avant la 2de guerre mondiale. Dans son livre « Sainteté des Gens Ordinaires », elle écrit ceci :

« Chaque petite action est un événement immense où le Paradis nous est donné, où nous pouvons donner le paradis.
Qu'importe ce que nous avons à faire : un balai ou un stylo à tenir ; parler ou se taire; raccommoder ou faire une conférence ; soigner un malade ou taper à la machine.
Tout cela n'est que l'écorce d'une réalité splendide, la rencontre de l'âme avec Dieu, à chaque minute renouvelée, à chaque minute accrue en grâce, toujours plus belle pour son Dieu.
On sonne ? Vite, allons ouvrir.
c'est Dieu qui vient nous aimer.
Un renseignement ? le voici:
c'est Dieu qui vient nous aimer.
C'est l'heure de se mettre à table: allons-y :
c'est Dieu qui vient nous aimer.
Laissons-le faire… Laissons-nous aimer ! »


Amen.

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